Pour développer la raison et la place du pilotage sans visibilité (PSV) dans l’histoire de
l’aviation et celle de Toussus-le-Noble, il semble indispensable de présenter une personnalité importante de la maison Farman et inventeur de la méthode du « PSV »
Lucien Rougerie est né le 5 décembre 1885 à Limoges où son père, Pierre Rougerie, dirige une importante fabrique de meubles.
D’un tempérament calme, réservé voire timide,
Lucien Rougerie est un élève studieux au lycée de Limoges. Il rejoint ensuite l’entreprise familiale. Son père lui confie la surveillance et la mise au point des machines de l’atelier mécanique. Comme beaucoup de pionniers de l’aviation, Lucien Rougerie développe des
qualités artistiques autant que sportives. Il s’adonne au dessin et à la peinture. Sportif
accompli, il pratique la bicyclette, la moto, l’automobile, la voile, l’aviron et la natation.
Il n’est donc pas étonnant que l’aviation, dès ses débuts, l’attire.
Le 30 novembre 1911, il obtient son brevet de pilote d’aéroplane (n°697) sur appareil Maurice Farman.
Discret, sobre en paroles comme en gestes, le regard modeste derrière les lentilles de son
binocle, il aime l’aviation plus pour son aspect technique que pour l’aventure.
Engagé d’abord comme pilote par les frères Farman, ses qualités d’ordre, de calme,
d’autorité sans rudesse et ses connaissances techniques le font nommer, très vite, directeur de l’école Farman à Villesauvage près d’Étampes, avec pour mission de redresser une école discréditée par le gaspillage et les « folles équipées acrobatiques ».
C’est dans cette ville qu’il rencontre et épouse, en 1912, Madeleine Giraud dont il
aura une fille.
Nommé directeur de l’aérodrome Farman de Toussus-le-Noble en 1914, Lucien Rougerie passera toute la guerre à installer de nombreux aérodromes Farman pour les avions militaires.
Avec la fin des hostilités, les frères Farman vont développer leurs activités civiles et le chargent alors d’organiser les lignes aériennes Farman.
Ceci va l’amener à se pencher sur le problème de la sécurité aérienne et notamment sur celui du pilotage sans visibilité extérieure (PSV).
En 1928, il met au point une méthode d’apprentissage au PSV et, en plein accord avec ses employeurs, crée une école de pilotage à Toussus-le-Noble dont le succès assure rapidement la renommée internationale de l’école : pilotes français et étrangers, célèbres et inconnus se succèdent sous la coupole du F71 et sur son « banc d’essai au sol », ancêtre du simulateur de vol.
En 1929, l’Aéroclub de France décerne à Lucien Rougerie, la grande médaille de vermeil « pour sa contribution à la sécurité aérienne ». Ses recherches sur la sécurité, entamées dès 1918, l’avaient déjà conduit à déposer, en 1922, un brevet pour un avertisseur optique de crevaison et de dégonflement des pneumatiques plus particulièrement applicable aux voitures automobiles (n°545373 du 19 juillet 1922).
Le destin de cet homme, si précieux pour la maison Farman, s’arrête brutalement le
12 décembre 1929, à 44 ans, sur le terrain de Toussus-le-Noble.
Ce jour-là, à 14 heures 45minutes, une violente et brusque tempête emporte le toit du hangar Farman et la lourde porte coulissante s’abat au sol, écrasant Lucien Rougerie en conversation avec Maurice Farman qui a juste le temps de se jeter en arrière.
Ses obsèques ont lieu en l’église Notre-Dame de Versailles, en présence de Maurice Farman, du général Barrès, représentant le ministère de l’Air, du général Hirschauer, du préfet de Seine et Oise, des directeurs et chefs de service des établissements Farman, du personnel de Toussus et d’innombrables pilotes.
LE PILOTAGE SANS VISIBILITÉ
Depuis le premier bond d’Orville Wright, le 17 décembre 1903, qualifié de premier vol bien que catapulté, suivi par ceux de nombreux sportifs attirés par ce nouveau mode d’exploits possibles, l’aéroplane n’a cessé d’étendre son domaine d’action grâce à des hommes qui de sportifs se sont mués en chefs d’entreprise à l’image des frères Farman.
Henri et Maurice Farman se sont d’abord illustrés dans des championnats cyclistes
puis des courses automobiles avant de découvrir et de ne plus quitter l’aviation. Maurice,
certes, avait été aérostier. Le sens inné du pilotage et l’esprit créatif d’Henri, alliés aux
qualités de gestionnaire et d’inventeur plus mesuré de Maurice ont donné naissance à une
solide entreprise familiale. Le lancement continu de prototypes, améliorés au fur et à mesure des tentatives de records de toutes sortes (altitude, vitesse, avec passagers ou charges…), les courses, les raids de plus en plus lointains : tout tendait, chez Farman, à construire des avions fiables et à offrir aux humains un nouveau moyen de transport.
Les performances des avions Farman leur ont permis d’être sélectionnés comme
appareils de reconnaissance ou de bombardement pendant la première guerre mondiale et ces commandes militaires ont participé au développement et à la pérennité de l’entreprise. Après la guerre, les frères Farman cherchent des débouchés civils. C’est donc naturellement qu’ils sont les premiers à tenter d’instaurer des lignes aériennes commerciales, d’abord avec les principales capitales européennes avant de rallier des destinations plus lointaines . Le 8 février 1919, Bossoutrot, sur Goliath, ouvre la première ligne entre Toussus-le-Noble et Kentsley dans la banlieue de Londres. Mais une ligne commerciale rentable est tenue à une obligation de régularité et de fiabilité des appareils et des hommes. La maison Farman produisait de bons avions et a toujours su s’entourer d’un excellent personnel, très compétent malgré la diversité des personnalités. La régularité est un problème autrement difficile. Le transport aérien est plus que tout autre, tributaire des conditions météorologiques. 33% des accidents en 1926 et 46% en 1927 sont dus au mauvais temps, sans compter les simples retards au décollage ou les détournements de vols à cause d’un orage ou du brouillard… Car un phénomène bien particulier survient dans la conduite des aéroplanes quand le pilote ne voit plus le sol.
Qui saurait mieux raconter le PSV que JEAN BRUN, DIRECTEUR DES USINES FARMAN
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