Le développement des lignes de navigations aériennes en 1929, démontre, en premier lieu, que l’effort des États qui possèdent une aviation commerciale s’est surtout porté sur des grands axes internationaux et intercontinentaux. Des efforts qui sont surtout animés par un esprit de concurrence que par un esprit de collaboration. Tant d’avions de pavillons différents qui suivaient des itinéraires sensiblement identiques, par exemple :
– Sur la route des Indes, se développe la concurrence de la France, de l’Angleterre, de la Hollande.
– Sur la route Atlantique Sud et du Brésil-Argentine, les compagnies françaises, allemandes et américaines se rivalisent, alors que bon nombre de ces services ont été organisés à coups de subventions gouvernementales «pour prendre position».
Une recherche de prestige bien plus que celle d’une saine politique économique.
A cela et surtout en Europe, alors les réseaux de lignes intérieures avaient beaucoup évolué depuis 1924, elles arrivaient à saturation, cinq ans plus tard.
En Allemagne, le réseau présentait déjà une certaine densité. Il manifestait une réelle lassitude de la part des pouvoirs publics qui annonçaient pour 1930 une réduction du nombre des lignes intérieures.
Subventionnée le plus souvent par les gouvernements, une tendance se dessine, axée à la concentration et à la fusion des compagnies exploitantes.
En France : Air-Union-Lignes d’Orient fusionne avec Air-Asie, pour devenir Air-Orient.
En Italie : Adria Aero-Lloyd s’est jointe à la Societa Aerea Mediterranea.
Aux États-Unis des conglomérats se forment : l’aviation dans cette partie du monde, fait l’objet d’un véritable boom. C’est la formation de puissants groupements qui réunissent
constructeurs d’avions, de moteurs et d’accessoires, des lignes d’aviation commerciale, des entreprises d’aéroports et de taxis aériens, des agences d’exportation de matériel aéronautique, etc.
L’un des plus puissants est la Curtiss Wright Corporation formée elle-même par la fusion de deux trusts : Wright Aeronautical Corporation et Curtiss Airplane and Motor Co.
On peut citer également :
United aircraft and transport Corporation (groupe Boeing), Aviation Corporation of Delaware. Detroit Aircraft Corporation, General Motors Group, Bendix Aviation Corporation, etc.
Des combinaisons air-rail sont également à l’ordre du jour, là où l’avion est susceptible d’accélérer, sur de longues distances, les transports de voyageurs et de courrier comme : New York-Los Angeles aux États-Unis ou Sydney-Perth (en 35 heures) en Australie.
Europe. — En France : les lignes aériennes se prolongent ainsi la ligne Paris-Bordeaux-Biarritz desservira jusqu’à Madrid {Compagnie générale aéropostale).
La tête de ligne des services pour la Corse et la Tunisie a été portée d’Antibes à Marseille. Des essais suivis ont été effectués sur la transversale Genève-Lyon-Clermont-Montluçon-Bordeaux, sous l’égide d’un groupement d’études {Société pour le développement de l’aviation commerciale), qui comprend des représentants des compagnies de chemins de fer et des chambres de commerce intéressées et la Compagnie Aérienne française.
Un service nocturne Paris-Londres fonctionne pour les marchandises et la poste.
En Allemagne,
L’année 1929 se caractérise par une réduction importante des subventions gouvernementales à la Deutsche Luft Hansa et qui a déterminé la suppression de plusieurs lignes intérieures secondaires.
La Deutsche Luft Hansa a orienté son activité, vers des liaisons internationales, sur de nouvelles destinations comme Berlin-Istanbul et Berlin-Séville.
Un accord est donc conclu avec une compagnie non subventionnée (Nord-bayerische Verkehrsflug), pour lui céder l’exploitation d’une partie des lignes intérieures.
De nouveaux accords germano-tchécoslovaques ont permis la mise en service de lignes internationales : Prague-Cassel-Rotterdam et Prague -Nuremberg-Francfort-Cologne, en correspondance avec les lignes de l’Europe du Nord.
En Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Grèce, Italie, l’Adriatique, des connections aériennes inter villes se créent et les frontières s’ouvrent à des liaisons avec des ports.
En Italie, la ligne Trieste-Venise-Ancône, de la Transadriatica a été prolongée sur Bari-Brindisi, en liaison, dans ce port, avec les lignes maritimes vers Alexandrie (Egypte) et avec la ligne d’hydravions Brindisi-Athènes-Istanbul.
Les accords franco-italiens conclus au sujet de la ligne Marseille-Beyrouth ont eu pour contrepartie l’ouverture d’un service direct Rome-Tunis et d’un autre service Palerme-Tunis.
Liaisons Europe-Asie et lignes asiatiques : l’Angleterre, la France, la Hollande, l’Allemagne et l’U. R. S. S. cherchent à se devancer mutuellement sur les itinéraires traditionnels qui conduisent aux Indes et à l’Extrême-Orient.
Toutefois ces développements aériens si énormes soient ils, démontrent que, l’avion même s’il s’affranchit plus que tout autre moyen de transport des obstacles physiques, son essor reste sous influence des pressions politiques.
Ainsi, les efforts anglais ont été caractérisés par l’ouverture, au début de 1929,de la ligne impériale des Indes, exploitée par les Imperial Airways.
Le premier itinéraire, établi grâce à un accord anglo-italien, passait par Londres-Paris-Bâle (par avion), Bâle-Gènes (par chemin de fer), Gènes-Syracuse-Tobrouk-Alexandrie (par hydravion), Alexandrie-Le Caire-Bagdad-Bassora-Karachi (par avion).
L’accord anglo-italien ayant été dénoncé, un nouvel itinéraire a été adopté : Londres -Cologne- Nuremberg – Vienne – Budapest-Belgrade -Skoplje – Salonique -Athènes-Alexandrie. En décembre 1929, la ligne a été poussée de Karachi à Delhi.
Les efforts français, de la compagnie Air-Union, Lignes d’Orient, ont porté sur l’itinéraire maritime Marseille-Naples-Athènes-Beyrouth, avec prolongement sur Bagdad, et jonction avec la ligne anglaise.
De son côté, la compagnie hollandaise K.L.M. poursuivait avec succès des vols sur Amsterdam-Batavia (capitale des Indes néerlandaises de 1799 à 1942 ( actuellement Jakarta, capitale de la République d’Indonésie) ; mais elle s’est vu retirer à la fin de 1929 l’autorisation de survoler l’Inde anglaise, au moment où la collaboration franco-hollandaise avait permis de réaliser plusieurs liaisons postales rapides, Saïgon-Paris en dix jours, Saigon-Bangkok (compagnie française Air-Asie), Bangkok-Bagdad (K. L. M.), Bagdad-Beyrouth-Marseille-Paris (Air-Union-Lignes d’Orient).
L’activité allemande se développe en Perse, pratiquement sans concurrence. L’ouverture d’un service Téhéran-Bagdad (Junkers) assure la liaison entre le réseau russe (lui-même relié à l’Allemagne par Berlin-Moscou) et la ligne anglaise des Indes.
En URSS : l’année 1929 a vu se poursuivre l’organisation de grandes lignes transcontinentales asiatiques.
Dans cet immense domaine, les obstacles politiques comptent beaucoup moins que les obstacles naturels.
De grandes artères aériennes / Transcaspien / Transsibérien se relient de Moscou à Irkoutsk et de là vers un embranchement Irkoutsk-Iakoutsk qui dessert la région aurifère du Vitim et les marchés de fourrures.
Une autre ligne dans la Sibérie orientale relie Khabarovsk (sur le chemin de fer de l’Amour) à Alexandrovsk centre des pêcheries sur le détroit de Tartarie face île Sakhalin.
En Chine une compagnie américaine China National Aviation Corporation (CNAC) a mis en service une ligne Chang haï-Nanjing-Kiéou-Kiang-Hankéou mais les troubles politiques et l’instabilité des gouvernements ne permettent pas une exploitation régulière.
En Afrique : L’activité aérienne tout au moins en ce qui concerne les lignes régulières reste cantonnée au Congo belge où la Sabena poursuit le développement de son réseau et se relier au chemin de fer du Tanganyika.
Au Canada : l’essor de l’aviation marchande qui est reliée à la voie ferrée se développe rapidement. L’avion devient de plus en plus auxiliaire de la prospection minière et du commerce des fourrures.
Aux Etats-Unis, le réseau déjà très complexe s’est accru de lignes nouvelles qui traversent le pays d’Est en Ouest ainsi que tout le long du littoral de l’Atlantique et du Pacifique. Des services hydravions voient le jour. Ils relient Honolulu aux îles Kauai et Maui (Inter Island Hawaiian Airways)
Mais l’effort le plus remarquable est porté vers le Sud, c’est-à-dire vers les liaisons panaméricaines.
Une première étape fut le développement de l’aviation américaine dans la mer des Antilles, sur trois lignes :
La première, la plus ancienne, part de Miami Floride et atteint Port of Spain par la Havane -Santiago de Cuba et San Juan de Porto Rico.
A l’ouest, une ligne Miami-la Havane atteint le canal de Panama Cristobal.
Enfin, une ligne Cristobal-Carthagène-Curaçao-Port of Spain ferme par le Sud le circuit des lignes américaines autour de la mer des Antilles.
Dans cette région les Etats-Unis n’ont rencontré aucune autre concurrence que celle de la Compagnie germano-colombienne SCADTA qui obtenu le droit de survoler la zone de Panama et créé la ligne Barranquilla-Carthagène-Cristobal.
D’autre part, l’aviation américaine s’est fortement implantée au Mexique et en Amérique centrale par l’intermédiaire de la Compania Mexicana de Aviacion, filiale du groupe Fairchild.
Déjà relié au réseau des Etats-Unis par deux lignes orientales, Mexico se raccorde ainsi aux lignes américaines du Pacifique.
Des lignes secondaires traversent le Mexique de Atlantique au Pacifique et desservent les villes du plateau. D’autres longent la côte du golfe et sont poussées vers Amérique centrale pour rejoindre le canal de Panama nœud central des lignes panaméricaines qui tendent à décrire un énorme 8 dont les deux boucles ceinturent les deux Amériques.
C’est ainsi que deux grandes lignes vers Amérique du Sud ont été lancées une par l’Est l’autre par l’Ouest.
-La première prolonge au delà de Port of Spain la ligne des Antilles, exploitée par la NYRBA (New York-Rio-Buenos Aires Air Lines) pour atteindre Buenos Aires. Elle est concurrent de la ligne française de l’Aéropostale.
-La seconde prolonge la ligne du golfe du Mexique à Santiago du Chili et dépend des Pan American Airways.
Si on ajoute à ces lignes le service Pernambouc (Etat du Brésil- Capital Recife)-Rio de Janeiro-Buenos Aires exploité par la compagnie allemande Kondor Syndikat, on se rend compte de la concurrence active qui règne sur la route de l’Atlantique Sud.
Des deux entreprises européennes qui rivalisent, celle qui triomphera sera celle qui réalisera la première, un service aérien par hydravions ou par dirigeables, au-dessus de l’Océan
René CROZET – Développement du réseau aérien en 1929
Rédacteur : Gérard Finan – Aeriastory / Anciens Aérodromes – Fonds René Crozet