Heurts et Malheurs de l’aérodrome – Une modernisation timorée (1973 et les années suivantes)

Rappelons brièvement les circonstances qui expliquent l’état d’esprit pour le moins timoré des décideurs, qui s’installa définitivement par la suite:  l’échec « cuisant » subi en 1973-1974 (au moment des crises pétrolières) par les promoteurs du projet d’extension de l’aéroport, projet auquel ils durent renoncer, instaura durablement une pression latente exercée par les riverains de la plate forme, pression à laquelle je fus d’ailleurs d’emblée confronté lors de mon arrivée en 1982, alors que le lotissement de « La Perruche » à Châteaufort venait d’être créé dans une zone située sous les décollages face à l’ouest. On assista naturellement aussitôt à la naissance d’une association de défense contre les nuisances aériennes, dont la « pression » fut en quelque sorte confortée par l’attitude prudente du gestionnaire qui souhaitait se cantonner dans un consensus pour éviter toute confrontation…

          Faut-il rappeler les événements de 1973-1974 où, face au projet de développement de l’aérodrome, qui n’était en fait qu’une mise aux normes au regard de la catégorie dans laquelle il avait été classé pour répondre à un type de trafic donné, les riverains multiplièrent les manifestations et occupèrent la piste.

          Il ne s’agissait pourtant que de réaliser, parallèlement et au nord de l’ancienne piste (utilisable seulement selon les règles de vol à vue du fait de la proximité des bâtiments techniques), une deuxième piste utilisable aux instruments, répondant à la vocation de l’aéroport classé en catégorie C-AMV (piste de 1450m). Les acquisitions foncières prévues furent réalisés, mais la piste dut être limitée à 1100 mètres. À partir de ce moment-là, les seuls développements permis à l’aérodrome se cantonnèrent à ses trois zones d’installations à l’intérieur d’une emprise notablement étriquée (167 hectares). Il fut désormais régit par un décret suivi d’un arrêté d’application édicté le 23 novembre 1973, qui fixa des règles strictes à respecter : horaire d’ouverture limité à la période de 06h00 à 22h30 , poids des avions limités à 12 tonnes, nombre de mouvements inférieur à 180000, campagnes annuelles de mesures de bruits, circuits obligatoires. En 2011, on ajoutera à cette liste d’autres « couches » en inscrivant dans cet arrêté des  supplémentaires! 

          Ajoutons qu’en 1989, la fermeture de Guyancourt inquiéta les riverains qui redoutaient un transfert pur et simple des activités de l’aérodrome voisin de Toussus. La reprise de la gestion d’Étampes par Aéroports de Paris pour accueillir les clubs de Guyancourt ne fit pas illusion. Toutefois, on put constater que la majeure partie du trafic de Guyancourt put se répartir « équitablement » entre les aérodromes de St-Cyr et de Chavenay (voir mon article sur la fermeture mouvementée de Guyancourt le 30 septembre 1989…). Toussus appliqua sur ce point une politique malthusienne en refusant tout transfert d’activité aérienne venant de Guyancourt à l’exeption des sociétés de transport à la demande (Brune Air Service, Professionnel Air System PAS).

On « pense » rénover la tour

          Vers 1995, on commença à réfléchir sérieusement à une modernisation de la tour de contrôle de l’aéroport de Toussus-le-Noble.

          Dans leur vigie, située au sud de l’aérodrome (ce qui n’a pas changé), les contrôleurs faisaient face aux pistes au nord, avec une bonne visibilité sur le trafic en approche, à l’atterrissage et au roulage des aéronefs. En revanche, les circuits d’aérodrome entièrement situés au sud, les obligeaient à une surveillance dans la direction opposée, ce qui constituait certes un bon exercice pour leurs vertèbres cervicales, mais qui constituait néanmoins une contrainte (qui persiste d’ailleurs aujourd’hui). Collision, etc

          La position des circuits au sud résultait du souci d’éviter toute interférence à la fois avec l’activité de l’aérodrome de Guyancourt qui jouxtait quasiment la plate forme de Toussus au nord de celle-ci, et l’espace aérien dévolu à l’aérodrome militaire de Villacoublay et destiné à protéger ses propres trajectoires d’arrivée et de départ.

          On songea un temps à construire une nouvelle tour au nord des pistes et des circuits en vol, permettant d’embrasser la totalité de l’aire de manœuvre et les circuits d’un seul coup d’ œil. Bien évidemment, ce projet ne se fixa pas suffisament dans les esprits de nos autorités et ne fut qu’évoqué.

La vigie en novembre 1982: les trois positions « Tour », « Approche » et « Cordon » tenues par 2 contrôleurs (Véronique Le Lamer, Maryline Soler et deux stagiaires de l’ENAC).

          En revanche, on put leur faire admettre sans trop de difficulté que le meuble de contrôle était devenu obsolète et nécessitait une étude de modernisation pour l’efficacité et le confort des contrôleurs, étant rappelé que trois positions étaient normalisées à la vigie: « Tour », « Approche » et « Coordonateur » (« Cordon »).

          Un projet fut élaboré par un groupe de travail local (avec Patrice Bralet mon adjoint et deux contrôleurs: Yves Moustey, et Olivier Binois) auquel j’avais associé mon collègue Jean-Philippe Alquier Ingénieur du Service Tecnique des Bases Aériennes, garant des spécifications techniques en vigueur. Nous fîmes le   déplacement à Cannes (Sophia-Antipolis) au sein de la société Verger-Delporte, constructeur appelé à réaliser l’ensemble. Cette société venait de construire celui de Tahiti…

          Inutile de dire que j’avais préalablement « briefé » mon ami Alquier du contexte un peu particulier du projet. C’était un homme sympatique, avec ses cheveux gris mi-longs, et son éternel chapeau mou.

          Entre-temps, et voyez comme tout s’enchaîne, nos grands chefs ne purent que constater que ce nouveau meuble ne rentrerait pas dans la vieille vigie ; le principe fut donc admis de réaliser une nouvelle vigie aux dimensions suffisantes. Évidemment, il n’était toujours pas question de construire une nouvelle tour et l’on se contenta de « plancher » sur une modernisation de l’installation actuelle.

          Un projet ayant été établi par l’architecte d’Aéroports de Paris, Pierre-Michel Delpeuch, un permis de construire fut donc déposé avec force plans et descriptifs, étant noté que le projet comportait un réhaussement de un mètre quatre-vingt-dix permettant d’aménager une salle d’instruction-repos au-dessous de la vigie. De plus, cela permettait un accès intérieur à la vigie, les contrôleurs et contrôleuses étant condamnés jusqu’alors à grimper par un escalier extérieur soumis aux intempéries et dont les marches en caillebotis exigeaient des talons plats pour les dames…C’était bien là la seule raison du réhaussement de la tour, sachant que dans une construction neuve, la hauteur de la tour est fonction entre-autres de la longueur de la piste, paramètre qui n’entrait évidemment pas en ligne de compte ici.

Un fiasco !

          C’est à ce stade qu’ADP commit une « bourde » magistrale (c’est un euphémisme!) : faisant fi des raisons qui viennent d’être évoquées, on ajouta au dossier une note « justificative » précisant que le réhaussement de la vigie résultait de l’allongement de la piste! Cette bourde que l’on peut présumer involontaire, allongement ayant été mis pour longeur ou élongation, déchaîna immédiatement les foudres préfectorales.

          Avec toutes les autorités d’Aéroports de Paris concernées (le directeur industriel Monsieur Klincx ou Albouy je ne sais plus) nous fûmes immédiatement convoqués par le préfet Claude Érignac (5). Ce fut son Secrétaire Général, Jean-Fançois Carenco qui nous reçut. Je m’en souviens comme si c’était hier…Son bureau était encombrés de parapheurs, qui traînaient jusqu’au sol (6).

          Il nous signifia de renoncer à tout lancement de travaux jusqu’à nouvel ordre, nous menaçant de faire démolir toute construction commencée sans autorisation.

          Ce refus s’appuyait sur l’avis négatif de l’Architecte des Bâtiments de France, en raison de la distance « inférieure aux 5 KM prescrits » par rapport à la fameuse chambre du Roi qui donne comme on le sait sur la cour de marbre du château de Versailles. Il n’était donc aucunement question que la tour fût surélevée et ADP devait revoir sa copie en ne présentant qu’un projet de rénovation de l’existant.

Petit rappel de la règlementation en vigueur:

          C’est une loi de 1862 (cela sent bien Napoléon III et son inspecteur général des monuments historiques, Prosper Mérimée), complétée par un arrêté de 1905, qui définirent les périmètres de protection autour des monuments historique vis-à-vis des constructions (ex-nihilo ou non). Dans le cas de Versailles, il s’agit d’une première zone d’un rayon de 5000 mètres calculé à partir de la Chambre du Roi dans le palais ; une zone complémentaire située au-delà de la première zone de part et d’autre d’une ligne droite fictive de 6000 mètres de longueur, tirée dans le prolongement du grand canal et partant de l’extrémité Ouest du bras principal de ce canal (cette deuxième zone a une largeur de 2000 mètres au Sud de la ligne fictive et de 3500 mètres au Nord de cette ligne) : ceci résulte d’un classement par décret du 15 octobre 1964.

Ne renonçons pas…

          Je « montais » donc un dossier en situant la TWR sur une carte des environs de Versailles, sur laquelle figurait le fameux cercle de 5 km de rayon (à l’échelle bien sûr) pour constater (et surtout faire constater) qu’il passait en deçà de la tour et même de l’aérodrome! J’ajoutais pour faire plus riche une coupe en travers qui montrait que la tour était totalement masquée à la vue du château par un talweg à la périphérie de la ville royale, sur lequel, – qui plus est – était construit un ensemble de bâtiments blancs genre HLM, d’ailleurs fort peu esthétiques.

          Évidemment, je ne me faisais que très peu d’illusion quant à l’issue de ma démonstration…En effet, je subodorais bien qu’elle allait agacer notablement Madame l’Architecte en chef…Mademoiselle Sauvage.

          Après quelques jours, pensant que celle-ci avait reçu ma missive, je la contactai pour lui proposer un vol en hélicoptère, avec un stationnaire à hauteur de la vigie future pour lui permettre de constater qu’on ne voyait que les HLM et non pas le château. J’ajoutais que l’on monterait jusqu’à apercevoir la fameuse  chambre du Roi et que l’on noterait alors la hauteur affichée à l’altimètre (calé qu QFE bien sûr) et que l’on constaterait bien sûr qu’elle était bien supérieure. J’avais entre-temps arrangé ce vol avec la société UP basée en zone Est, dont les pilotes m’avaient apporté quelquefois leur aimable concours pour emmener des personnalités (voir photo ci-dessous).

Un vol avec Mr Martin (costume sombre à ma gauche), sympathique Maire de Viroflay, en 1988, effectué à bord d’un Écureuil de la société Professionnel Air System-UP basée en zone Est. Les hélicos se posaient directement sur ces plates-formes mobiles que l’on tractait ainsi directement jusqu’au hangar. Ces manœuvres ne posaient aucune difficulté pour des pilotes expérimentés comme celui qui figure à ma droite.

          Peine perdue! Melle Sauvage qui, je ne crains pas de le dire, portait bien son nom (*), me fit une réponse lapidaire: « Monsieur, sachez que vous ne me ferez jamais monter dans un hélicoptère! »

(*): était-elle une parente de l’un des prestigieux commandants du Normandie-Niemen?…Allez savoir…

…du coup, l’acceptation des travaux prit un certain temps…mais finit par arriver!

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Les travaux (enfin…)

        On commença par tester la résistance de la terrasse, pour prévoir un éventuel renforcement de sa structure. En effet, la nouvelle vigie devait être posée sur une étage supplémentaire (expliquant le fameux réhaussement) renfermant le local repos/instruction et son poids devait être plus conséquent….

          Afin de ne pas interrompre le service du contrôle aérien, l’opération devait comporter l’aménagement d’une vigie provisoire dans un algéco monté sur une estrade en bois. Suivait ensuite la démolition de la vieille vigie et la construction de la nouvelle.

        Si je peux me remémorer aujourd’hui les différentes étapes -pour ne pas dire péripéties-, qui précédèrent la mise en service de la vigie rénovée, c’est  grâce au journal local « TOUSSUS-INFO » ou elles suscitèrent évidemment force commentaires dans ses pages publiées au fil des mois. Ce sympathique canard mensuel, « Toussus-Info », fut créé en janvier 1994 par notre ami Yves Moustey contrôleur aérien, et tenu vaille que vaille au fil des années et jusqu’en juin 1999, avec une régularité exemplaire…

          Parti le 13 janvier 1997 pour la Direction Régionale Aéronautique Nord, je vécus d’assez loin les différentes étapes (pour ne pas dire péripéties) de  l’installation de la nouvelle vigie. Je n’en vis que les prémices, avec l’installation d’une vigie provisoire: « l’algéco ».

          Étant encore après mon départ abonné au journal local, « Toussus Info », je me réfèrerai donc au long de ce récit à ses articles empreints d’humour, que j’ai tous conservés.

          Dans son premier numéro paru le 1er janvier 1994, Yves Moustey définissait  avec sa verve coutumière la ligne éditoriale qu’il s’assignait:

          « Le nombre important des différents services de notre aéroport qui présente cependant toutes les caractéristiques d’une entreprise conviviale, est un frein indéniable à une communication optimale. Tâches différentes, lieux de travail éloignés les uns dees autres, horaires variables selon les services et aussi à l’intérieur même des services. Ça ne peut plus durer! On ne se voit plus qu’en coup de vent et encore…Heureusement, certains motivés n’hésitent pas à organiser des pots pour favoriser les échanges (le dernier en date dans le bureau de monsieur Pageix le 17 janvier) « . 

         « Ainsi il a été voté et décidé à l’unanimité des membres de notre nouvelle association de créer un journal mensuel à diffusion limitée.

          « Seuls les services sis dans le bloc technique en seront les destinataires :

          « Commandement, DISIS, Secrétariat, Comptabilité, Maintenance, Météo, BDP et TWR. Souhaitons que, par son intermédiaire, chacun ose s’exprimer largement et sans contrainte, sur quelque sujet que ce soit, tel est notre voeu le plus cher, sans que ne naisse une quelconque entrave à cette future encyclopédie de la déconographie appliquée.

          En février 1994 le mensuel manifestait un certain pessimiste:

          « Monsieur Phélippé (chef travaux) ayant officiellement annoncé que les travaux allaient être tout prochainement envisagés, et que dans cette optique, il n’était pas totalement exclu qu’ils puissent commencer un jour, peut- être avant (on notera l’humour sceptique d’Yves…)

          Au sommet du bloc technique, on construisit une plateforme en bois, support de la vigie provisoire, non sans avoir testé préalablement la résistance de la terrasse sur laquelle elle devait être posée. Je n’ai pas de photo, mais le commentaire et le dessin tirés du journal (avril 1994) rendent bien compte de l’incrédulité des agents:

« Un de nos meilleurs dessinateurs s’est trouvé fort inspiré par la construction de la plate-forme en bois qui recevra peut-être un jour la, on ne peut plus future, tour provisoire de Toussus-le-Noble. Que nous cache cette corde pendante à cette potence installée sur ce qu’on appelle dsormais le gibet? L’avenir nous le dira« .

            Il renchérissait ainsi:

« Frédéric Pichon, électronicien du service, qui commence à acquérir une certaine notoriété grâce notamment à ses écrits journalistiques, m’a raconté une histoire très drôle: il aurait été suggéré de prévoir l’achat d’un important lot de xylophène pour prévenir au mieux le pourrissement éventuel voire probable de la plate-forme en bois destinée à recevoir la future tour de contrôle provisoire…« 

          Au cours des mois qui suivirent, les choses en restèrent là, à l’exeption d’une curieuse et modeste extension de un mètre de cette plate forme dans son angle sud-ouest. Aussi, en avril 1995, le rédacteur se permet un petit délire littéraire à conotation érotique que je ne n’ai pas l’intention d’éluder ici:

« De grosses craintes sont formulées quand il s’agit d’évoquer une érection particulière très attendue, celle, splendide et fière, de la nouvelle tour de contrôle. À n’en pas douter, cet appendice colossal qui s’érigera dans une verticalité abasourdissante fera rêver plus d’une contrôleuse, et même plus d’un contrôleur, c’est vous dire! Un jour viendra où la tour, dans un gigantesque hurlement, jaillira du plus profond d’elle-même. Cette explosion fellinienne arrosera tout l’aéroport renaissant, et s’en expurgeront une multitude de petits êtres balbutiants qui, comme les manèges de Fisher-Price, tourneront autour de nos têtes dans une musique assourdissante. Et alors, telle un torrent sorti de son lit, la vie sera revenue à Toussus. Ah.. c’est bon de rêver parfois !

          C’est à ce moment-là que je quittai Toussus pour de nouvelles fonctions à la Direction de l’Aviation Civile Nord à Athis-Mons ; jae n’en continuai pas moins de suivre les travaux de réalisation. Mon départ ne fut pas un geste tranquille et titilla la « geste poétique » de mon ami Moustey qui me gratifia en guise d’au revoir d’un sonnet bien appuyé dans le numéro de janvier 1997:

Elle est à toi cette chanson
Toi l’auvergnat qui sans façons
N’a pas daigné lever le doigt
Quand il fallut passer aux voix.


Toi qui ne t’es pas vendu quand
Les croquantes et les croquants
Tous ces gens mal intentionnés
Voulaient fermer le BDP (*).

Ce n’était rien qu’une abstention
Mais elle m’a réchauffé le corps
Et dans mon âme elle vole encore
A la manière d’un Citation.

Toi l’auvergnat quand tu muteras
Hors CAP (**) quand partiras
Ne porte pas un seul regret
Au service AG (***) ».

(*): Le Bureau de Piste qui fut fermé en 1998 ; le agents survivants des précédentes « saignées » furent tranféré à Orly comme mon ami Pascal Herbaud, chef du Bureau de Piste, Yvette Thomasset, etc .

(**): Commission Adminidtrative Paritaire qui  entérine les mutations.

(***): service « Aviation Générale » dont dépendait Toussus comme tous les autres aérodrome et l’héliport d’Issy-les-Moulineaux.

Quel Commandant d’aérodrome peut se vanter d’avoir inspiré un poème de la part de son personnel lors de son départ. Le seul cas de départ en poésie que je connaisse fut celui du chef du District Aéronautique Île-de-France », mon collègue Dominique Espéron, lors de son pot de départ : l’un des invités et pas des moindres, Monsieur Vignes, alors sous-préfet de Versailles,  nous déclama les vers qu’il avait concoctés nous dit-il pendant le trajet en voiture avec son chauffeur…

          En dépit du calendrier de réalisation envisagé prévoyant l’installation de l’algéco le 15 janvier 1998 et la mise en service de la nouvelle vigie à l’automne de cette même année, de malencontreux contretemps, pour ,ne pas dire maladresses, vinrent freiner ce bel enthousiasme…

          En effet, en octobre 1997, ce fut surtout l’appel d’offre rejeté pour vice de forme, et dans une moindre mesure l’issue de secours non réglementaire, qui retardèrent les choses, ou, comme l’écrivait Yves: « Nous avons donc assisté à une nouvelle remise de gaz du projet. Ce coup-ci, pas de problèmes avec la chambre du Roi du château de Versailles ni avec le P.O.S., mais ce sont les entrepreneurs qui sont trop chers. Nouveau délai donc, mais il paraît que le montage de l’algéco est pour très bientôt. Gardons confiance ! Ca n’a jamais fait de mal à personne ! »

          Enfin, on peut lire dans le numéro d’avril 1998:  « Le 17 mars 1998 nauguration de l’Algéco le matin. Faut pas se plaindre, beaucoup de choses se sont bien passées.

L’algéco ou vigie provisoire installé sur la partie nord de la terrasse en état de fonctionnement, alors que l’ancienne vigie est en cours de démolition
(photos coll. Yves Moustey).

           Restent à corriger quelques détails matériels sur le tas : percer des aérations pour éviter de voir monter la buée et de nous faire passer en QGO en deux minutes, insonoriser cette nouvelle salle de contrôle, se décider à comprendre une bonne fois pour toutes que l’avion qui roule en coupant les deux pistes dans le sens sud-nord n’est en fait qu’un petit reflet, que la piste 05/23 balisée de nuit est tout bêtement un effet de miroir avec le balisage de la route qui amène au terrain, ne pas entrer à plus de quinze, arrêter de crier dans le micro ou le téléphone, envisager une clim performante sinon on pourrait finir l’été en topless (ce ne serait pas très grave d’ailleurs)…, trouver une combine pour l’eau parce que si la cafetière est là, il n’y a pas de robinet. Enfin tout ça c’est vraiment pas bien méchant et toutes les démarches nécessaires ont été faites pour améliorer ce qui pourra l’être. De toute façon, il n’y a plus que 7 à 8 mois à tenir, 9 ou 10, 11 maximum. Courage ».

Les contrôleurs installés dans l’algéco (Christelle Roux, jeune contrôleuse fraîchement sortie de l,’ENAC et qui n’a pas trop l’air d’être affectée par les conditions assez précaires de son premier travail, Yves Moustey, et Claude Tulot, instructeur régional venu en renfort)

          On construisit un échafaudage pour entreprendre la démolition de l’ancienne vigie. Quelques agents facétieux (on les reconnaîtra) mirent eux-même la main à la pâte soit par le besoin d’immortaliser cet instant par des photos, soit par simple défoulement.  

Avril 1998. L’algéco est masqué par la vigie en démolition.
Michel Garabédian chef de la aintenance radio, Bernard Le Guillou et Frédéric Pichon, electroniciens.  Bel échafaudage!

Yves Moustey et Claude Tulot s’affairent (pour rire) à la démolition de l’anciennevigie…(On rtrouve le damier rouge et blanc que l’onvoitsur les vieilles photos). Ci_dessousÉric Prévotat et Yves Moustey.  

            Tout comme la parution de Toussus info qui cessa en avril 1999, je n’irai pas plus loin dans ce récit puisqu’il s’en inspire largement. Toutefois, la nouvelle vigie fut enfin inaugurée peu après dans sa belle livrée banche.

La « toute nouvelle tour » de Toussus. Photo Dominique Joly prise le 20.12.2004 de l’emplacement de l’aérogare (« l’Isba ») incendiée le samedi 30 novembre 1996 (cf mon article sur l’Isba).

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          L’évocation du château de Versailles, en « fil doré » (et non rouge) au long de ce récit me rappelle une autre histoire : Jack Lang, alors ministre de la Culture, s’offusqua lors d’une visite de la galerie des glaces, de ce qu’il considéra comme un crime de lèse-majesté fait au château ; d’après lui, « on apercevait les hangars de l’aérodrome de Saint-Cyr à travers les fenêtres! »

          Aéroports de Paris dépêcha sur les « lieux du crime » son responsable de l’environnement, mon ami Dreuille, qui constata in petto que les augustes huisseries étaient si sales qu’on ne pouvait voir à travers elles les installations de l’aérodrome de Saint-Cyr l’École. Néanmoins, l’Aéroport planta peu après une rangée de peupliers sensés masquer cet outrage…

          Saint-Cyr…Cette autre anecdote n’a pas lieu d’être ici mais tant pis…

          Lors de l’une de mes permanences de week-end à Toussus je fus interpellé par le préfet  qui me somma de « faire cesser cet éminent désordre »: la résidence de la Lanterne était survolée par les avions exécutant des tours de piste et l’épouse du 1er ministre s’en plaignait. Après rapide enquête (on ne m’avait pas tout dit), je découvrai qu’un usage local et non réglementaire restraignait le tour de piste en vigueur lorsque la police prévenait la tour de l’occupation de la dite Lanterne. Je répondis au préfet que cela constituait un danger puisque seuls les avions basés sur ce terrain avaient connaissance de ce brillant dispositif et qu’on n’était pas à l’abri d’une collision avec des avions pilotés par des ignorants venant de l’extérieur. Par la suite, je n’entendis plus parler de cette histoire…

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Quand les films (et autres manifestations) s’en mêlent…

          Faut-il le rappeler? La tour de Toussus fut à de nombreuses reprises le décors de films tournés sous contrat avec ADP (l’aérogare le fut également)

Citons au hasard:

          « Chateauvallon » avec Chantal Nobel (accompagnée de Sacha Distel), de « Blanc de Chine » de Denys Granier Deferre, épisode télévisées de Pierre Bellemare (le vol du sidewinder), et plus récemment (février 1994), un téléfilm pour Fr2 « Antoine Rives, juge du terrorisme », l’aérogare (« l’Isba ») devenant pour l’occasion celle de Ljubljana.

          Elle fut prestement escaladée par le GIGN lors d’un exercice de prise d’otage à la vigie (épisode racontée dans l’un de mes articles)  

          Toussus fut aussi le théâtre d’opérations diverses que j’ai raconté dans d’autres articles, telles que les courses aériennes, l’entraînement du GIGN, les manifestations aériennes (1981, 1998, 2009…), sans parler des rassemblements aériens et sportifs des années 50 et 60.

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Notes (suite)

(5): Claude Érignac: Préfet des Yvelines de 1993 à 1996 assassiné à Ajaccio le 6 février 1998.

Claude Érignac accompagne la Maréchale Leclerc lors du cinquantenaire de la Llibération de Toussus-le-Noble par la 2e DB (24 août 1994). Photo tirée de la plaquette de la mairie.

Plaque commémorative en mémoire de Claude Érignac, à Nancy (il y fut Préfet de Meurthe-et-Moselle de 1989 à 1993)   

« La première des solidarités
est celle qui lie les citoyens entre eux
au travers de l’État.

C’est la solidarité nationale.
L’administration, qui la met en œuvre,
est faite pour servir »

Claude Érignac 

(6): Jean-François Carenco: Secrétaire Général de la préfecture des Yvelines de 1991 à 1996. Travailleur infatigable, à l’œuvre dès 6 heures jusque tard le soir. Ainsi, il me demanda un jour ce qu’il appela une « note blanche »: « hein, Pageix, vous m’écrivez tous vos problèmes, et vous me l’apportez demain matin à 6 heures »… Il s’agissait de lui fournir un argumentaire sur le sous-effectif des contrôleurs aériens, qui devint dès cette époque une maladie chronique à Toussus. Au cours de ces années difficiles pour l’aérodrome et pour moi, j’ai pu entretenir avec cet homme exceptionnel une confiance réciproque et même une certaine complicité. Il fut pour moi d’un grand soutient moral.

Après avoir tenu des postes de préfet (Saint-Pierre et Miquelon, Tarn, Guadeloupe; etc.), il fut successivement directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo ministre de l’Emploi , Préfet de la Région Haute-Normandie (je le vis à l’arrivée de Nicolas Sarkozy au Havre le 29 mai 2007). Plus récemment, il fut nommé Préfet de la région Île-de-France en 2015.

Les problèmes de fonctionnement de l’aérodrome s’amplifiant, le préfet organisa une réunion le 16 juin 1994, à laquelle il m’invita. Le Directeur Technique et Industriel d’ADP, Francis Clinckx, voulu y aller tout seul en dépit des injonctions de son entourage…Du coup, les services directement concernés furent absents et ne surent donc pas ce qui s’y etait passé. J’étais, qu’on le veuille ou non, rattaché à la direction d’ADP, et j’estimai donc qu’il m’étais difficile, même si je voulais faire jouer ma double casquette, de participer à cette réunion. J’en prévins J.F.Carenco qui me manifesta son incompréhension. Néanmoins, grâce à quelques complicité, je pus faire un compte rendu assez fidèle de cette séance qui fut houleuse…Il y eut préalablement une entrevue orageuse avec le préfet et la réunion eut lieu avec le président de la CCI et quelques usagers de poids comme Claude de Lassée (ami d’Érignac), Jean-Claude Decaux, Délio Iglesias, Pierre-André Martel (Directeur Général de Marceau Investissements, créateur de « L’Ascendant » qui recruta plus tard des agents AFIS, mais cela est une autre histoire…), etc.

Évidemment je gardai le compte rendu pour moi… 

Jean-François Carenco 1993 (photo J.Pageix)
Inauguration de lamairie de Toussus rénovée.

          Lors de son départ pour Saint-Pierre et Miquelon, je lui adressai un petit mot de reconnaissance:

Le Havre, 29 mai 2007. On reconnaîtra bien-sûr J.F. Carenco et d’autres personnalités… (Photo J.P.)

Sources

-Spécifications sur les vigies et les blocs techniques par le Service des Bases Aériennes octobre 1998 (documents aimablement fournis par Jean-Philippe Alquier);

« Chronique de la navigation aérienne » de Jean Hubert, impression ENAC, 1997, page 258 ; magnifique ouvrage dactylograpié de 349 pages illustrées;

-Toussus info: journal mensuel publié par Yves Moustey de 1994 à 1999;

-Fonds photographique constitué par Yves Moustey que je remercie pour son aide et ses encouragements;

-Dessins de Georges Cousteau, pilote inspecteur (années 80) voir la notice écrite par ailleurs sur ce pilote inspecteur hors normes;

-Articles parus sur le site aeriastory ( de  2012 à UFN);

-Site internet de Dominique Penzini (ancien pilote du groupe de chasse 1/5-1ère escadrille et du régiment Normandie-Niemen), créé par Henriette et Jean René Penzini sa belle-fille et son fils;

-Site Hervé Pierrot, mémorial NN, que je remercie particulièrement pour son article et ses photos inédites.

                                                                     Jacques Pageix été-hiver 2020

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