Aéroparc Blériot – Buc

Le début d’une histoire 1909-1919
La traversée de la Manche connaît un très grand retentissement, au point d’apporter à Louis Blériot, au salon de l’aéronautique de l’automne 1909, 300 commandes alors qu’il n’en avait obtenu aucune au salon précédent.

Il doit désormais organiser son entreprise pour faire face à ce changement et si possible accroître cet afflux. Il lui faut trouver un terrain proche de Paris pour les essais d’appareils avant leur livraison et la formation au pilotage, conditions nécessaires à la réalisation des ventes.

Il envisage aussi d’y associer des spectacles aériens. Le terrain doit donc être assez vaste pour permettre de cumuler ces diver­ ses activités.

Il s’inspire sans doute du succès de l’aérodrome de Port-Aviation *  C’est Buc qui est choisi pour réunir formation, essais et spectacles au sein de l’aéroparc.

*Port Aviation, improprement situé à Juvisy, qui a fonctionné de 1909 (premier meeting en mai) à 1919, a été créé sur la commune de Viry (aujourd’hui Viry-Châtillon). Voir les développements sur Port Aviation dans la suite du chapitre.

La création de l’aéroparc

A l’automne 1909, Louis Blériot achète la ferme du Haut-Buc et ses terres, d’une superficie de plus de 200 hectares, situées entre le fort, la forêt et la route de Buc à Toussus-le-Noble.  Il s’installe dans une région qu’il connaît bien pour avoir mené des essais au début de l’année, et qui déjà accueilli plusieurs aérodromes : ceux de Robert Esnault-Pelterie – lieu des essais de Louis Blériot-  et de Maurice Farman à Toussus-le-Noble ainsi que celui de Gabriel Borel à Châteaufort.

L’ouverture de l’école d’Étampes, postérieure à acquisition du terrain de Buc, laisse supposer que la réalisation des grands projets de Louis Blériot pour l’aéroparc ne sont pas jugés compatibles avec l’établissement d’une école de pilotage durant la partie initiale des travaux. La première construction de Louis Blériot à Buc, celle de la porte de l’aéroparc, semble dater de la fin de l’année 1909. Le père de MM. Jean et Maurice Christophel, qui furent des concitoyens de Buc, achète en 1912 le fonds de M. Robin, pour effectuer les travaux de menuiserie nécessaires à la construction des bâtiments.  

À proximité immédiate, au point d’être situés à Buc par les journaux et cartes postales de l’époque, sont déjà implantés à Toussus-le-Noble les aérodromes précédemment cités: REP (depuis 1907), et Farman (depuis 1909) ainsi que des hangars pour dirigeables militaires.

Louis Blériot voit grand dès le départ. Il est probablement inspiré par l’exemple de Port Aviation, premier aérodrome « intégré » pour la présentation de spectacles aériens, qui comprend une piste de 1500 mètres et une autre, circulaire, de 3 000 mètres, des ateliers de réparation, un hall d’exposition et de vente, un parc pour les autos, un restaurant et une tribune. Son ambition est de faire de Buc le centre d’essais de ses appareils et d’entraînement des élèves pilotes, ainsi qu’un parc d’attraction pour l’organisation de meetings et de survols du pays à l’usage des touristes.

La présence du fort du Haut-Buc non loin n’est sans doute pas étrangère à la construction de l’aéroparc.  Autour des forts, un « glacis » de très grande surface, plusieurs milliers d’hectares, devait rester libre de toute construction. Cette absence assurée de tout obstacle est évidemment tout à fait favorable à l’implantation d’un aérodrome.

Par sa superficie et ses équipements, l’aéroparc, dénommé ainsi dès le départ dans les plaquettes publicitaires de Blériot-Aéronautique, dispose de toutes les facilités nécessaires à la bonne réalisation de son objet. À la veille de la guerre, l’ensemble comporte un bâtiment central en béton armé sur trois niveaux, flanqué de quatre tours. Il abrite sous des terrasses d’observation un hall pour 30 appareils, une salle des fêtes, un restaurant, des salons et une bibliothèque, une salle de sport et d’hydrothérapie, des bureaux et quelques chambres. À l’extérieur, des courts de tennis 1 et des hangars pour 150 appareils complètent ces installations.

La superficie dont dispose l’ aéroparc, plus de 58 hectares plats et dégagés, permet aux élèves pilotes d’évoluer sans avoir à survoler à basse altitude les propriétés voisines. C’est un avantage sur les aérodromes déjà implantés, qui disposent de surfaces beaucoup plus réduites. Le terrain a la forme d’un losange ramassé, sans pistes tracées. Les pilotes peuvent décoller et atterrir face au vent, sur une herbe maintenue rase par un troupeau de moutons appartenant à la ferme, déplacé par son berger au gré des mouvements des aéroplanes.

Des essais d’aéronefs débutent sans doute sur le terrain alors que la construction des bâtiments se poursuit. L’école de pilotage est inaugurée le 13 novembre 1912, simultanément à la fermeture de l’école d’Étampes. Certains développements se poursuivent jusqu’à l’été 1914. Dans une affiche annonçant un meeting aérien en mai 1914 au cours duquel deux champions d’acrobaties doivent s’affronter, l’aéroparc est qualifié de « plus bel aéroport du monde». La qualité des installations et de l’école de pilotage, la proximité de Versailles, facilement accessible de Paris, et l’animation organisée par l’équipe Blériot assurent très rapidement la renommée de l’aéroparc.

Un document Blériot Aéronautique de la collection Jacques de la Bretonnière cliquer sur le lien

Un document L. Blériot Recherches Aéronautiques de la collection Jacques de la Bretonnière (cliquez sur le lien)

Les spectacles aériens :

Le parc a pour ambition d’intéresser le gran­d pub­lic au­ progrès de l’aviation mais aussi de développer le tourisme aérien. Les spectateurs sont attirés par les spectacles aériens, les exploits des pilotes, la possibilité offerte d’effectuer, pour un prix de 100 francs (l’équivalent d’un mois de salaire pour un ouvrier), une promenade aérienne au­ dessus de l’ aéroparc et de ses environs.

Rendu très célèbre, Adolphe Pégoud multiplie les acrobaties: séries de« loopings» allant jusqu’à huit à la suite, tonneaux, glissades sur la queue … Il entreprend une série de démonstrations en France et dans plusieurs pays d’Europe. Il fait ainsi bénéficier à Louis Blériot d’une excellente publicité qui lui attire de nombreuses commandes.

Edmond Perreyon, Adolphe Pégoud et John Domenjoz créent la première formation de patrouille de vol acrobatique : les appareils volent ensemble et réalisent des virages serrés suivant un programme convenu de « spectacle aérien».  Les pilotes prennent parfois des risques excessifs. Le 19 avril 1914, en finale d’une course de 10 kilomètres, devant une foule estimée entre 25 000 et 30 000 spectateurs, André Bidot, pilotant un Blériot XII, cherche à dépasser le Blériot XI de François Deroye mais heurte son aile droite. Les deux appareils s’écrasent au sol et celui de François Deroye prend feu, provoquant la mort du pilote et de son passager. André Bidot et son passager sont sévèrement blessés. Ces manifestations sont interrompues à la veille de la guerre, peut-être à la suite de cet accident dramatique.

LA FORMATION DES PILOTES

La formation des pilotes civils et militaires est une autre activité importante de l’ aéroparc.

Le nouveau centre remplace petit à petit tous les autres. Son activité est très importante puisque, à la veille de la guerre, plus de 600 brevets ont été décernés.  

La formation s’appuie sur la « méthode de Buc», très progressive. Une première phase théorique et pratique au sol permet aux élèves de comprendre les principes de la sustentation et le fonctionnement des différents organes de l’appareil. Une deuxième phase complète la première par des passages en atelier et le candidat pilote se voit confier un appareil aux ailes rognées, « le Pingouin ». Ce monoplan Blériot XI, à châssis renforcé et doté de patins doublant les roues pour éviter le capotage, est équipé d’un moteur Anzani trois cylindres de puissance réduite. L’élève pilote s’entraîne au roulement au sol à 60 km/h afin de maîtriser les effets du vent et du couple lié à la rotation du moteur. Il passe ensuite sur une autre machine capable d’effectuer des petits bonds de quelques dizaines de mètres. Puis, sur un troisième appareil à puissance limitée, il peut, par temps calme, traverser le terrain en ligne droite. Enfin, il se pose pour faire demi-tour

On vole une heure le matin avant que le soleil n’ait provoqué des courants d’air chaud et à condition que la vitesse du vent, mesurée à la fumé­e de cigarette de l’instructeur, ne dépasse pas cinq mètres par seconde. Pour passer le temps dehors des heures de vol, les élèves utilisent , chars à voile produits par les établissements Blériot et dont l’utilisation contribue à leur donner l’expérience du vent.

Au terme de toutes ces phases, l’apprenti pilote et enfin « lâché » sur un appareil de faible puissance, mais capable de voler plus longtemps et de virer. Il s’entraîne alors au-dessus du terrain en vue de l’obtention de son brevet.

Les pilotes militaires reçoivent un enseignement plus poussé, sanctionné par un brevet qui pose entre autres aux candidats un vol en triangle de 50 kilomètres de côté. Le candidat it également effectuer un voyage aller-retour 150 kilomètres. Ces pilotes poursuivent leur formation au-delà du brevet en augmentant la durée et la longueur des vols.

LES ESSAIS D’ APPAREILS représentent la troisième activité de l’aéroparc même si, chronologiquement, leur début est probablement antérieur à celui de l’école de pilotage et aux manifestations aériennes.

De nombreux vols de réception ont lieu à Buc pour des modèles antérieurs à l’ouverture de l’aéroparc, Blériot XI principalement, commandés après la traversée de la Manche. Dans ces années ­ l’immédiate avant-guerre, l’armée s’intéresse à l’utilisation possible des aéroplanes dans un conflit, essentiellement pour l’observation du terrain.

L’AVIATION MILITAIRE SE DÉVELOPPE dans les années précédant la première guerre mondiale.

Le journal L’Aérophile écrit, dans son numéro du 15 février 1909: « L’aviation vient de faire en quelques mois des progrès si prodigieux qu’il est permis aujourd’hui d’envisager l’emploi des aéroplanes aux armées ». L’Allemagne, qui avait constitué une forte flotte de dirigeables, prend conscience de la supériorité prochaine des engins plus lourds que l’air. En Grande-Bretagne, la traversée de la Manche révèle la vulnérabilité de l’île à une invasion aérienne et incite au développement d’une aviation militaire.

En France, en octobre 1909, le Ministère de la Guerre commande trois appareils, un Blériot, un Farman, un Wright, pour un total de 57000 francs. En 1911, 6,9 millions de francs sont consacrés à Farman.

En France, la loi du 29 mars 1912 porte la création de l’aviation militaire et de l’organisation de l’aéronautique militaire. Les cinq premières escadrilles sont créées au cours de l’année 1912.

La marine, pour sa part, constitue une aéronautique navale par décret du 20 mars 1912. Sept officiers de marine ont reçu une formation de pilote en 1910 et 1911. À cette date, elle a déjà reçu en décembre 1910 un biplan Farman et reçoit un hydravion Voisin de type «canard» en avril 1912.

Cette évolution vers l’aviation militaire ne peut échapper à Louis Blériot. Dès 1912, il procède avec le lieutenant Bellenger, à Buc, à des essais de tir dans l’axe de l’appareil avec une mitrailleuse Hotchkiss.

Le 9 aout 1913, en présence de la Marine et de deux amiraux, Adolphe Pégoud effectue à Buc plusieurs démonstrations réussies de décollage et d’atterrissage à l’aide d’un système de pylônes et de câbles. Son appareil est équipé en partie supérieure d’un portique se terminant vers le haut, au-dessus du pilote, par un crochet. Le pilote fait venir l’appareil sous un câble horizontal, tendu à quatre mètres de hauteur entre deux pylônes, et en mettant l’appareil en légère montée, accroche ce câble par le crochet situé au-dessus de lui puis coupe le moteur. L’appareil reste tenu par le câble. Ces essais sont effectués au lieu-dit de la place des Pylônes, entre le fort et le chemin de la Minière (rue de la Minière aujourd’hui).

Ce dispositif de câble tendu le long de la coque d’un navire entre deux mâts ou deux tangons est envisagé pour équiper les bâtiments de la flotte. Il doit permettre de récupérer un aéronef en pleine mer sans amerrir. Il est expérimenté à la fin de 1913 sur le cuirassé d’escadre Jauréguiberry. Mais plusieurs incidents et le choix de la marine de privilégier les hydravions alors que la guerre approche font délaisser cette technique.

Le 5 mars 1914, Louis Blériot entre au Conseil supérieur de l’aéronautique militaire.

L’Ecole d’aviation militaire

Au début du conflit, dans la perspective d’une guerre courte, les écoles de pilotage sont dissoutes et la production des aéroplanes est réduite à quatre marques. Rapidement cependant, trois écoles, dont celle de Buc, sont ouvertes de nouveau « à titre temporaire», par décision ministérielle du 5 mars 1915.

Il est prévu qu’elles fonctionnent comme écoles civiles, annexes de l’école d’aviation militaire de Chartres, qui leur fournit le matériel militaire nécessaire, sous la supervision d’un sous-officier  «gérant d’annexe». Peu après, « en raison de difficultés survenues avec la maison Blériot», le ministre décide, 1915, de militariser l’école de Buc.

Catalogue Blériot – SPAD, de la collection Jacques de la Bretonnière

La Guerre :

Pour louis Blériot, la production massive d’aéroplanes SPAD durant la guerre a engendré d’importants revenus. Le montage financier de ses diverses sociétés est conçu pour limiter le plus possible les ponctions fiscales.   

Le 11 novembre 1918, la fin de la Grande Guerre et le retour à la paix ont bouleversé la situation des constructeurs aéronautiques, tout particulièrement celle de Louis Blériot et de ses entreprises.

1919 – 1930 Un combat difficile

De 1919 à 1930, Louis Blériot demeure le seul, ou presque, à utiliser l’aéroparc. Mais son entreprise connaît de plus en plus les difficultés de la conjoncture, aggravées par les mauvais rapports entretenus avec les pouvoirs publics.

Pendant ces années, les activités sur l’aéroparc demeurent très comparables à celles d’avant-guerre : la formation au pilotage et les essais se poursuivent, les meetings reprennent. Une nouveauté cependant, l’aviation de loisir, se développe.

DÈS LA FIN DE LA GUERRE, les effectifs employés dans l’industrie aéronautique s’effondrent au niveau national, passant en effectif moyen annuel de 152 500 en 1918 à 5 200 en 1920. La situation financière des constructeurs se trouve d’autant plus menacée qu’ils doivent, aux termes de la loi du 1er juillet 1916, payer un impôt sur les bénéfices de guerre. La modernisation des appareils et l’utilisation du métal conduisent à rechercher des ouvriers qualifiés, dans l’industrie automobile principalement, et à de très fortes hausses salariales pour les attirer ou les conserver. La période d’après-guerre, jusqu’au début des années trente, est mauvaise pour la construction aéronautique française qui, ignorant le train rentrant, l’hélice à pas variable et les volets, ne se modernise pas et se trouve soumise aux aléas des commandes de l’armée, sans véritable marché commercial.

La fin des hostilités de la première guerre mondiale marque le début des soucis pour Louis Blériot. À la dégradation de ses relations avec le Ministère des Finances s’ajoute une grave détérioration de ses rapports avec les services techniques de l’aéronautique dont il stigmatise, dans des libelles largement diffusés en 1923 et 1924, les errances, la médiocrité des chefs et de leur politique, et leur incompréhension des réalités industrielles.

L’armée dispose d’un nombre d’aéronefs qui excède largement ses besoins, aussi Louis Blériot comme les autres constructeurs se trouve contraint de rechercher d’autres débouchés dans le domaine aéronautique ou ailleurs.

À la fin des années vingt, la situation financière de Blériot-Aéronautique se trouve fortement dégradée. Malgré les difficultés financières, les essais connaissent une grande activité au cours de cette période.

Sous sa propre marque, Louis Blériot, produit une série d’avions de transport correspondant à l’idée qu’il se fait de l’avenir de l’aviation: « Les transatlantiques aériens futurs seront des appareils de plusieurs milliers de chevaux et de dimensions considérables. Pour les étudier et surtout pour les réaliser, il faut avoir des bureaux d’études très puissamment outillés, des laboratoires munis de tous les appareils d’essais, des matériaux, des services techniques réunissant des ingénieurs très au courant des choses de l’aviation. »

Nuisance aériennes

Le développement de l’activité aérienne et du travail d’atelier n’a pas que des aspects positifs. Il provoque quelques réactions de mécontentement de la part des voisins des aérodromes, relayant celles déjà apparues avant 1914 et ayant alors conduit au procès Heurtebise. À l’occasion d’une enquête de commodo et incommodo lancée le 31 juillet 1928 et provoquée à la suite de la demande de Blériot-Aéronautique visant à autoriser des essais de moteurs d’avions non munis de silencieux, deux types de réactions apparaissent nettement :

– L’allergie au bruit et la peur des accidents, particulièrement dans le voisinage immédiat du terrain.

La concurrence des ateliers des deux aérodromes de Buc et Toussus-le-Noble, qui attirent la main-d’ œuvre agricole au détriment des grandes exploitations des alentours, s’ajoute aux craintes concernant le bruit:

La municipalité de Villiers-le-Bâcle se plaint du développement des aérodromes de Buc, Toussus-le-Noble et Villacoublay, qui drainent la main-d’œuvre agricole en offrant des salaires supérieurs et des journées de huit heures de travail. Elle proteste aussi contre les vols à basse altitude qui troublent le calme du village;

En définitive, l’autorisation de procéder aux essais est donnée le 17 avril 1930 à titre de régularisation, puisque ces essais duraient en fait depuis plusieurs années, sous la réserve qu’ils n’aient lieu qu’entre huit heures du matin et six heures du soir et à intervalles éloignés.

Les meetings, raids et rallyes

L’intérêt du grand public pour l’aviation, stimulé par les exploits des « as » pendant la guerre et par les progrès considérables accomplis, conduit après-guerre à l’organisation de nombreux raids et rallyes dont plusieurs concernent Buc.

Du 8 au 10 octobre 1920 se déroule sur l’aéroparc Blériot un très important meeting qui attire plus de 100 000 spectateurs et met, avec les embouteillages, Buc à plus d’une heure et demie de Versailles. De nombreuses personnalités y assistent : le tout nouveau président de la République Alexandre Millerand, le maréchal Ferdinand Foch, le général Maxime Weygand, la chanteuse Mistinguett qui fait un tour en avion, etc. L’aviatrice Adrienne Bolland donne des baptêmes de l’air. Des avions de transport partent pour Londres et Bruxelles avec des passagers et reviennent cinq heures plus tard. Les spectateurs peuvent assister à de nombreuses épreuves, présentations ou spectacles : concours de montée, d’adresse, de ballons libres,« bombardement » du fort de Buc …

L’aviation de loisir

Si le public se passionne pour les exploits des aviateurs, les records battus, les océans traversés, il commence aussi à s’intéresser aux débuts de l’aviation de loisir. Le 15 juillet 1923 se déroule à Buc le Grand Prix du journal Le Petit Parisien, réservé aux avions de faible puissance. Cette nouvelle activité qu’est l’aviation de loisir va se développer au cours des années trente, associée à d’autres évolutions importantes de la vocation de l’aéroparc Blériot.

1931-1939 Vers un aéroparc sans Blériot

Les années trente, par opposition aux années vingt, sont marquées par de profonds changements dans l’identité de l’aéroparc.

La réduction des activités d’essais, les difficultés de la société Blériot-Aéronautique et le développement de l’aviation de loisir entraînent à Buc l’arrivée de nouveaux constructeurs, dont l’un reprend la formation des pilotes, et l’installation de deux grands aéro-clubs. Enfin, la nationalisation de l’activité de Blériot-Aéronautique intervient, alors que l’on ressent déjà les prémices d’une nouvelle guerre.

Selon le dernier recensement d’avant-guerre, Buc se développe et compte 1293 habitants en 1936. L’activité aéronautique constitue une source d’emploi importante pour la commune. Quarante-deux habitants déclarent travailler dans ce secteur, dont les trois quarts à l’aéroparc. Des familles entières, 150 à 200 personnes, tirent leurs ressources directement de l’aviation, auxquelles s’ajoutent les commerçants proches de l’aéroparc.

LE 23 JUIN 1934, à l’occasion du 25e anniversaire de la traversée de la Manche, une grande manifestation se déroule à Buc, avec la participation de 150 avions des forces aériennes françaises, de deux escadrilles anglaises, en présence du président de la République, M. Albert Lebrun, des ministres de l’Air français et anglais, du maréchal Philippe Pétain et de très nombreux constructeurs ou autres personnalités de l’aéronautique. Le choix de l’aéroparc pour une telle manifestation est symbolique …

Mais Blériot-Aéronautique et son créateur connaissent d’importantes difficultés financières, consécutives à l’échec de plusieurs programmes et aux relations difficiles qu’elle entretient avec les services techniques du Ministère de l’ Air. Ces difficultés, déjà largement apparues dans les années vingt, s’aggravent encore.

A la fin de 1934, Blériot-Aéronautique opère un rapprochement (qui ne vaut pas fusion), avec les Ateliers du nord de la France-Les Mureaux, la Société d’emboutissage et de constructions mécaniques de Félix Amiot et la Société des avions Farman, pour former l’Union corporative aéronautique (UCA).

Le coup final est porté à l’entreprise par la mésaventure de l’hydravion Blériot Bl.5190. La société Blériot-Aéronautique a investi lourdement pour en assurer la fabrication, quand cette commande est annulée. Cet échec marque la fin de Louis Blériot comme constructeur indépendant.

Pour faire tourner l’usine de Suresnes, Blériot­Aéronautique produit des avions pour le compte d’autres marques: Maillet et Lignel, Guillemin, Potez. En 1935, elle assure pour ce dernier la production de 30 multiplaces de combat Potez Po.540.

Louis Blériot est un homme fatigué par les combats incessants. Au printemps 1936, il vit mal une période de grandes grèves qui touche son usine. En juillet, sa santé s’altère gravement et il meurt d’une crise cardiaque le 1er août 1936, à l’âge de 64 ans.

C’est la fin d’une époque, celle des industriels indépendants. Dix jours après la mort de Louis Blériot, le 11 août 1936, la nationalisation des industries de défense est effective. Le décret d’expropriation de Blériot-Aéronautique paraît quelque temps après.

Alors que 20 ans auparavant, l’aéroparc avait été conçu par Louis Blériot pour ses propres besoins, les années trente voient apparaître d’autres constructeurs dont les activités, à partir du milieu de la décennie, se substituent presque entièrement à celles de Blériot-Aéronautique.

C’est essentiellement Jean Lignel qui prend 1e relais des essais d’avions Blériot et SPAD.

A partir des années trente, l’aviation de loisir se développe rapidement, grâce aux subventions de l’État qui paie 40 % du prix des avions. Le nombre des appareils ayant bénéficié de la prime passe d’une trentaine seulement au début de 1930 à 480 en 1932.

Apparue dans les années vingt avec le concours du Petit Parisien ou le Tour de France des avionnettes, l’aviation de loisir est marquée par un certain nombre de manifestations :

– Le Tour de France du tourisme aérien, qui s’achève à Buc le 12 juin 1932 et, le même jour, le deuxième concours d’élégance et de confort des avions privés, organisé par la revue L’ Air;

– Un autre tour de France, qui prend fin à Buc le 30 juillet 1933, doté d’un prix de 300000 francs;

– La coupe Hélène-Boucher, manifestation féminine de l’ Aéro-Club de France sur le parcours Buc-Cannes, remportée en août 1935 et 1936 par Maryse Hilsz.

Deux importants aéro-clubs, le Touring-club de France et le club Roland-Garros s’installent à Buc. Leur présence fait de l’aéroparc Blériot le plus actif dans le domaine. Il est classé seul de son espèce pour la région parisienne, « grand tourisme international et aviation de club ».

Pavillon Rolland Garros à Buc

La Guerre

Entre 1939 et 1947, I’aéroparc est successivement occupé par les armées française, allemande, américaine et anglaise. La période est difficile pour la base aérienne et son village. Le terrain de Buc est occupé dès le 14 ou 15 juin 1940 par l’armée allemande La commune subit les bombardements des alliés.
Les officiers et sous-officiers aviateurs s’installent au château du Haut Buc et dans les diverses grandes demeures. Les hommes de troupes viennent à la ferme du Haut-Buc chaque matin pour le rassemblement général et l’appel, pour loger l’ensemble des cuisiniers.

Le mois suivant, la base, dirigée par le Commandant Orst, reçoit ses premiers avions, des Dornier Do 17  et Heinkel He 111, d’une unité de reconnaissance météorologique, la Wetterkundungstaffel.

À compter de 1941, la tactique des Allemands devient davantage défensive. Des chemins de roulement en dalles de ciment, larges de plus de dix mètres, sont formés. Ils vont, d’une part, vers le fort de Buc et se terminent par huit alvéoles triples pour trois avions chacune et, d’autre part, vers le bois de la Geneste et le domaine du Parc de Buc où sont aménagées huit autres alvéoles triples et une simple. Elles permettent de disperser et camoufler un certain nombre d’appareils.

Outre leur fonction principale, les aérodromes de Buc et Toussus-le-Noble servent de  base de dégagement pour les terrains d’aviation voisins (Villacoublay, Guyancourt) en cas d’encombrement et de refuge lorsqu’ils sont soumis à des attaques alliées.

APRÈS LA LIBÉRATION, un groupe de transport américain équipé de Douglas C-47 Dakota, version militaire du Douglas DC-3, utilise l’aéroparc du 25 août 1944 au l4 juillet 1945.
La majeure partie du contingent américain part en 1945, ne conservant que quelques espaces: le bâtiment principal et ses alentours. Mais une grande partie de l’aéroparc est concédée, à partir du 15 juillet 1945, à la Royal Air Force anglaise. Celle-ci y affecte une escadrille de liaison et des unités d’entretien d’avions et de véhicules, qui  installent dans les hangars encore en état et y restent jusqu’au 10 décembre 1947.

Dès 1946, la famille Blériot manifeste son intention de redonner à l’aéroparc son aspect d’avant-guerre. La famille Blériot est encore présente à Buc en la personne de Mme Nelly Sirot-Blériot, une des filles du couple Blériot, qui loge dans le Haut-Buc au « Clos Blériot».

Dans une lettre du 7 octobre 1946, le maire de Buc, Charles Quatremare, l’appuie dans ses démarches et souligne le préjudice économique important que provoque pour la commune la réquisition militaire du terrain. Il souligne quel’ activité de la population de Buc est dirigée vers l’aviation, soit pour le travail (pilotes, mécaniciens, ajusteurs … ), soit pour le commerce (restaurants, auberges).

La société Blériot-Aéronautique reprend le terrain en 1947, au départ de la Royal Air Force. Jean Blériot, fils d’Alicia et Louis, en est le président. Pendant une vingtaine d’années, l’aéroparc survit, animé par de petites sociétés, et maintenu en activité durant les événements d’Algérie.

En Décembre 1947, lorsque la réquisition de l’aéroparc par l’autorité militaire est partiellement levée, le terrain et ses installations sont rendus à ses propriétaires, à l’exception de l’hôtel-bâtiment principal, en bien mauvais état, et d’un terrain d’environ 5 hectares de part et d’autre, laissés à la disposition de l’armée américaine. Une présence de l’unité américaine, qui se poursuivra jusqu’en 1960 dans le cadre de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN.

L’aéroparc dépend du contrôle local de Toussus-le-Noble. La société Blériot-Aéronautique dispose d’un agent à Buc pour gérer le trafic. La question de la réouverture de l’ aéroparc à la circulation publique se pose mais n’aboutit pas.

Les préoccupations de sécurité de la circulation aérienne, dans une zone déjà desservie par les terrains d’aviation voisins de Toussus-le-Noble, Guyancourt et Villacoublay, conduisent dans un premier temps à ne pas faire figurer Buc dans la liste des plates-formes ouvertes à la circulation aérienne générale (arrêté du 6 février 1947).

Au début des années cinquante, la faiblesse lu trafic aérien permet, avec l’autorisation de Mme Alicia Blériot et de son fils Jean, le développement d’une importante activité d’aéromodélisme.

L’arrivée des hélicoptères

Les activités del’ aéroparc les plus importantes après-guerre sont constituées par celles des hélicoptères.
 La Société nationale de constructions aéronautiques du sud-ouest, qui retrouve l’aéroparc une dizaine d’années après sa présence avant-guerre, s’installe en 1948 dans le hangar voisin de celui d’Uni-Air. 

La Société nationale de constructions aéronautiques du sud-est (SNCASE) est également installée sur le terrain. Elle ouvre, le 6 novembre 1953, une école de qualification sur l’hélicoptère Sikorsky S-55 (ou H-19), qu’elle construit sous licence. L’école prépare les pilotes militaires des hélicoptères légers à manœuvrer sur des appareils lourds.

Selon un témoin, les hélicoptères sont parqués le long de la route de Toussus-le-Noble où les passants peuvent les apercevoir. Le passage au moteur à explosion entraîne l’apparition d’hélicoptères très bruyants, surtout les Sikorsky S-55. Les habitants de Buc et des communes voisines se plaignent de leurs nuisances.

La société Blériot-Aéronautique, toujours propriétaire du terrain et qui ne peut en obtenir la réactivation complète, cherche alors à le vendre ou à en tirer un meilleur usage. Le Ministère de la Défense, informé de ces intentions, exprime à la fin de l’année 1955 le souhait d’acquérir l’aéroparc, afin de pouvoir faire stationner dans la région parisienne le GAOA n° 7 (Groupe aérien d’observation d’artillerie) doté d’avions légers et le GH n° 1 (Groupe d’hélicoptères), en annonçant une densité d’une trentaine de mouvements quotidiens. Le SGACC, toujours très réservé en raison des problèmes de sécurité dans l’espace aérien, Toussus le Noble, Guyancourt et Villacoublay, émet le 24 novembre 1955 un « avis tout à fait défavorable» qui ne permet pas la réalisation de l’opération envisagée.

A PARTIR DE 1956, les besoins des opérations en Algérie entraînent un développement soudain et rapide de formation sur hélicoptères. Ceci redonne vie à l’aéroparc, qui retrouve notamment sa vocation de formation. Un arrêté du 9 juillet 1956 annule le précédent texte du 30 octobre 1955 et définit des conditions plus restrictives de fonctionnement tout en autorisant « à titre provisoire une activité limitée d’hélicoptères-école. »

Le 1er  octobre 1960, l’ ALA T organise une fête aérienne avec une démonstration en vol des matériels militaires et d’appareils de tourisme, un lâcher de parachutistes et des démonstrations d’acrobaties en vol serré par la patrouille de Nangis. Un Caudron G.3 et un Blériot XI reconstitués par Jean-Baptiste Salis, témoins des débuts de l’aviation, sont les clous de la fête;

DURANT LES ÉVÉNEMENTS D’ALGÉRIE, l’ aéroparc a été maintenu en service par l’armée de terre, malgré la condamnation de ses activités aéronautiques par le SGACC et les Aéroports de Paris en raison de sa trop grande proximité avec l’aéroport de Toussus-le-Noble.

Son sort est maintenant scellé.

Après la fin des événements, une partie du parc des aéronefs de l’ALAT est retirée du service en mars 1964 puis octobre 1965.

Un arrêté préfectoral de mars 1966 crée une zone d’aménagement différé (ZAD) de plus de 350 hectares. Elle couvre tout le plateau du Haut­ Buc, de la ferme aux limites des communes des Loges-en-Josas, Toussus-le-Noble et Guyancourt et englobe l’aéroparc, en vue d’empêcher l’implantation anarchique de constructions sur les terrains disponibles. En avril 1966, les 61 hectares du terrain d’aviation (bâtiments inclus) sont achetés par la société Thomson-Brandt, suite à sa fusion-absorption avec la société Buc-Aviation, elle-même héritière de Blériot-Aéronautique depuis 1963.

La superficie du terrain dépasse largement les besoins de Thomson-Brandt. La commune de Buc décide d’en acquérir une importante partie pour aménager et équiper la zone couverte par l’aéroparc et les terrains agricoles voisins.

Extraits de :  Buc à travers l’aviation d’après les recherches et écritures de Emile Arnaud, Yvan Clerc, Anissa Dekar-Thaminy, Jean Claude Guirec, Henri Mulotte et Patrick Nérot. Un ouvrage de la Mairie de Buc 2009