1939-Les lignes aériennes dans un monde troublé

Coll Deutsche Lufthansa
coll Deutsche Lufthansa

La nationalisation des entreprises de transports aériens reste plus que jamais à l’ordre du jour dans un monde troublé où l’avion est un instrument de prestige et de politique. Les innovations ou transformations ne présentent plus ou de  très loin un caractère vraiment commercial.

Le rattachement de l’Autriche au IIIe Reich a entraîné l’absorption de l’OELAG (Oesterrichische Luftverkehrsgesellchaft A. G.) par la Deutsche Lufthansa qui, possédait déjà une part de capital de l’entreprise autrichienne.  La nationalisation apparaît aussi comme la marque des nouvelles entreprises fondées en Espagne franquiste (lBERIA), en Uruguay, au Venezuela, etc.

Autogire – Grand Palais

L’aviation postale prend partout un nouvel essor du fait de la généralisation du transport  sans surtaxe.  Aux États-Unis, où la poste aérienne est, depuis longtemps, entrée dans les mœurs, les expériences les plus récentes portent sur l’accélération des transports du sol à l’avion et vice-versa : ramassage ou dépôt en vol des sacs postaux sans atterrissage dans les petits centres, emploi d’autogires (à Philadelphie) capables d’utiliser la terrasse du bureau central des P. T. T. pour relier ce dernier à l’aéroport.

Dans la Méditerranée moyenne, Rome-Tirana reflète également des préoccupations plus politiques que purement commerciales.

Dans la Méditerranée orientale, vestibule commun aux lignes d’Extrème­ Orient, d’Australasie et d’Afrique Orientale, de nouvelles positions ont été prises par la Société Hellénique de communications aériennes en liaison avec la compagnie égyptienne Misr Airlines  

Liaisons Europe-Asie, Europe-Insulinde et Australasie. – Sur le grand faisceau international Europe – Indes – Extrême-Orient- Berlin-­ Bagdad (Deutsche Lufthansa), d’abord postale, a été ouverte aux passagers. De son côté, l’Italie pousse également une ligne Rome-Athènes­ Haïfa vers Bagdad.

Le tissu des lignes se resserre toujours dans le monde insulaire de l’Insulinde et de l’Australasie et sont en contact avec les services transpacifiques américains.

Il faut toujours compter avec l’état de guerre latent qui rend sceptique sur le caractère vraiment commercial des lignes aériennes, chaque nation axant sur un développement  des liaisons sur leurs territoires et leurs colonies.

Sur les Liaisons Europe-Amérique et lignes américaines. – Sur l’Atlantique Sud, la France et l’Allemagne sont toujours seules, malgré les efforts anglais et italiens, à assurer des services postaux réguliers. Au fret postal, Air France a ajouté les messageries. La Deutsche LUFTHANSA, utilisant, en fin d’année, un nouveau type d’hydravion, a pu réduire le temps moyen de traversée à 10h, entre Bathurst (Gambie anglaise) et Natal, tandis que les avions terrestres français utilisés sur Dakar-Natal mettent encore en moyenne 14h ou 15 heures.

Hydravion Lieutenant de Vaisseau Paris

Sur l’Atlantique Nord on en reste au stade expérimental. Du côté français, une seule traversée avec l’hydravion, de type déjà ancien, Lieutenant­ de-Vaisseau-Paris ; du côté anglais, une seule expérience, curieuse au point de vue technique, avec le Mercury catapulté en vol par un hydravion gros porteur. La Deutsche Lufthansa a réalisé quatorze traversées, dont treize par hydravions catapultés et une par avion terrestre. L’effort allemand s’est attaché systématiquement à la route des Açores.

Catapultage Coll Deutsche Lufthansa
Coll K.L.M.

L’année 1939 est venue illustrer de tragique manière  l’extrême vulnérabilité de l’aviation dite commerciale aux circonstances mouvantes de la vie internationale. Les réseaux s’étendent ou se resserrent, des lignes disparaissent ou apparaissent, les itinéraires se modifient, les zones interdites se multiplient, et la liberté des airs est de plus en plus contestée; le mal s’est, évidemment, aggravé à partir de septembre 1939. Les informations se sont raréfiées ou ont été, plus ou moins faussées par l’esprit de propagande.  Les événements d’Espagne ont entraîné, pour les services français d’Afrique du Nord , l’abandon des escales espagnoles.

Les effets de la guerre ont été immédiats ; les alliés franco-anglais se sont vu interdire tous rapports directs avec l’Europe centrale et orientale; inversement, l’Allemagne n’a pu conserver de liaisons qu’avec les pays scandinaves, baltes et balkaniques et avec l’Italie. La collaboration germano-russe n’avait pas encore eu d’effets visibles dans le domaine de l’aviation commerciale à la fin de 1939.
En Méditerranée, la tension internationale ne s’est traduite que par une suspension momentanée, en 1939, de certains services entre l’Italie, la France et l’Afrique du Nord.

Liaisons Europe-Asie, Europe-Insulinde et Australasie. – Sur la route des Indes (ligne Berlin-Bagdad-Bangkok), la crise internationale a écarté la concurrence allemande, qui ne pouvait utiliser les escales échelonnées dans les zones d’influence anglaise.
La K. L. M. a adopté, au moins provisoirement, Naples comme terminus européen de la ligne des Indes Néerlandaises, pour éviter le survol de zones dangereuses.

Liaisons transatlantiques. – Sur l’Atlantique Sud, la guerre est venue modifier les positions anciennes, l’Allemagne renonçant à ses services de liaison transatlantique, qui utilisaient la base anglaise de Bathurst sur la côte africaine. En revanche, l’Italie est entrée en ligne en créant, à la fin de 1939, une liaison Rome – Rio de Janeiro, qui utilise des escales espagnoles (Malaga ou Séville, Villa-Cisneros) ou portugaises (îles du Cap-Vert) et qui touche l’Amérique du Sud à Récife.

Yankee Clipper – Coll Panamairican airways

D’autre part, 1939 a vu s’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de l’aviation transocéanique sur l’Atlantique Nord. Il s’agit de l’inauguration de services réguliers ouverts aux transports postaux et aux passagers par les Panamerican Airways. Les voyages des grands hydravions américains Yankee-Clipper, Atlantic-Clipper, etc., ont eu pour terminus européen, tantôt Lisbonne, Biscarosse et Marseille, avec escale aux Açores, tantôt Foynes (Irlande) et Southampton. Dès le mois de juin 1939, les passagers ont été admis sur la ligne ; en décembre, 1 800 personnes avaient été transportées.

Du côté français, des traversées expérimentales ont été effectuées par les hydravions Lieutenant-de- Vaisseau-Paris ou Ville-de-Saint-Pierre. Elles ont démontré les avantages météorologiques de la route jalonnée par les Açores et les Bermudes pour les trajets Europe-Amérique, le retour pouvant se faire par des itinéraires un peu plus élevés en latitude.

Fairey III – Lisbonne

Du fait de la guerre, l’aviation américaine est restée seule en ligne, et c’est Lisbonne qui est devenue l’unique terminus européen des services transatlantiques. On a vu alors converger vers la capitale portugaise une ligne française Marseille-Oran-Tanger-Lisbonne, une ligne italienne Rome-Barcelone- Madrid­ Lisbonne, et s’amorcer une liaison hollandaise Amsterdam-Shoreham-Madrid­ Lisbonne. La situation péninsulaire, en façade sur l’Atlantique, du Portugal permettait, cette fois, à la géographie de reprendre quelque peu ses droits.

René CROZET, Annales  de géographie : L’évolution du réseau aérien en 1939
Rédaction : Gérard Finan – Aériastory / Anciens Aérodromes – Fonds René Crozet

Notes