Sur les grandes lignes du réseau mondial, les États travaillent à améliorer le trafic en augmentant la vitesse et la fréquence, en modifiant les horaires et en intégrant le trafic aérien à l’ensemble des autres moyens de transport.
L’aviation commerciale devient une affaire d’État.
Cela se traduit par l’absorption des entreprises isolées par des organismes étatisés. Ainsi, AIR-AFRIQUE se substitue à l’entreprise privée Lignes Aériennes Nord-Africaines ; la Lufthansa absorbe la Deutsche Verkehrsflug ; la compagnie germano-soviétique DERULUFT (Berlin-Moscou) disparaît, remplacée par un accord direct entre la Lufthansa et la Direction de l’aviation civile russe. Seule la ZEPPELIN Luftreederei subsiste, pour les transports par dirigeable.
Le régime anglais semble plus libéral et les grandes liaisons restent le monopole des IMPERIAL AIRWAYS auxquelles est réservée, dans un avenir prochain, la totalité du trafic postal avec les colonies et les dominions.
Air France adopte en accord avec les grands réseaux, le billet air-fer qui offre, aux voyageurs, des combinaisons souples telles que billets conjoints (chemin de fer et avion sur un seul billet, un système analogue comme il existe aux États-Unis, pour les messageries entre vingt-quatre compagnies aériennes et les chemins de fer.
Si le réseau aérien intérieur européen marque un certain flottement, du côté britannique, la politique est plus consistante. Il faut signaler la création des RAILWAY AIR SERVICES constitués par une entente entre les Imperial Airways et les quatre grandes compagnies ferroviaires. Toutefois, les publications anglaises d’époque continuent à signaler une multitude de petites compagnies exploitant des services balnéaires, des liaisons vers les îles écossaises, etc.
L’ouverture de l’aéroport modèle de Gatwick au Sud de Londres, destiné à décongestionner Croydon, accuse un réel souci de séparer, dans la mesure du possible, le réseau international et impérial du réseau intérieur.
Les vols sur Paris,Londres et les villes européennes sont en nette augmentation grâce aux conditions nouvelles créées par l’accroissement de la vitesse et de la fréquence.
Le rôle de l’aeroport de Francfort devient de plus en plus considérable du fait de la création de la base de départ des dirigeables transatlantiques, mais les événements d’Espagne troublent les combinaisons avec Madrid.
Fait marquant de l’année 1937, une tendance générale en faveur du transport du courrier sans surtaxe, dû à une confiance croissante dans la régularité et la sécurité de l’avion et que le vol de nuit se généralise. L’Angleterre a commencé à confier à l’avion le courrier sans surtaxe à destination de ses Dominions, et la Hollande agit de même pour le courrier des Indes NéerIandaises.
Les Nationalisations font leur apparition avec la Roumanie, par l’absorption de tout son réseau par la compagnie des lignes roumaines d’État L. A. R. E. S. et la Turquie en fait de même au profit de l’entreprise Turk Hava Postalari.
En sens inverse, l’Angleterre semble s’attacher à maintenir, à côté des IMPERIAL AIRWAYS, une autre entreprise, BRITISH AIRWAYS, car indépendamment du rôle qu’elle joue dans les relations intérieures, cette entreprise assume des liaisons vers Stockholm et vers Paris; elle s’intéresse aussi à une liaison avec l’Amérique du Sud par l’Afrique occidentale.
Les progrès du matériel et de l’infrastructure sont plus sensibles aux États-Unis qu’en Europe. Ils permettent la généralisation des vols de nuit transcontinentaux. Beaucoup d’hommes d’affaires les préfèrent pour gagner du temps et parce que, effectués dans une atmosphère souvent calme, ils sont plus confortables que les vols diurnes.
En Europe, les progrès matériels permettent, cependant, le maintien de services d’hiver sur des lignes difficiles, comme Francfort-Milan, Berlin-Stockholm, Berlin-Tallin-Helsingfors. La rapidité de l’avion moderne lui permet de s’affranchir de la brièveté des jours d’hiver. Malheureusement, les difficultés diplomatiques qui pèsent sur le monde entier se traduisent par des modifications des réseaux, peu compatibles avec la fonction commerciale. Il s’agit alors de lignes supprimées ou déviées. Parfois, de services uniquement créés pour des fins politiques ou même militaires. L’Espagne, la Méditerranée, l’Europe centrale et orientale, l’Extrême-Orient, fournissent ces exemples.
L’année 1937 a été favorable à l’hydravion. Les liaisons transocéaniques (Atlantique et Pacifique) donnent un essor nouveau à la construction d’hydravions de gros tonnage, véritables navires volants. La qualité sportive du pilote tend à s’effacer devant la science de navigateur du « chief officer », maître à son bord. L’hydravion donne une nouvelle valeur aux plans d’eau, baies abritées, fleuves, lacs, voire même les lagons de certains atolls du Pacifique. II exige de moins grosses dépenses d’infrastructure que les avions lourds, parfois gênés par le mauvais état des terrains, surtout dans les pays humides.
Dans les pays chauds, on fait remarquer que le décollage au niveau de la mer est plus facile que dans l’air raréfié des aérodromes terrestres situés à plus ou moins haute altitude.
Cependant, AIR-FRANCE reste fidèle à l’avion polymoteur sur l’Atlantique Sud. Les Italiens, aussi, ont remplacé l’hydravion par l’avion polymoteur, sûr et rapide, sur quelques lignes méditerranéennes, quand il s’agit de traversées maritimes relativement courtes.
En Europe, l’entreprise AIR BLEU, spécialisée dans l’aviation postale, a repris son activité sur des bases nouvelles et avec une importante participation du ministère des P.T.T. et d’Air-France. Elle prend, sans surtaxe, le courrier arrivé à Paris aux premières heures de la matinée ou posté la nuit dans la capitale et le transporte sur ses lignes intérieures
Alors que plusieurs pays ont complété leur réseau intérieur dans des services inter-villes, en Suisse, petit pays, on assiste plutôt au déclin de ces lignes, au profit des services internationaux, étendus et accélérés.
Vers Moscou, la Tchécoslovaquie devient le lieu de passage principal. Le transport du courrier sans surtaxe devient courant.
Destiné à contre-balancer les efforts américains l’hydravion remplace l’avion dans le pacifique ; Sur Paris-Saïgon, le nouveau matériel d’Air-France réduit la durée du parcours à cinq jours et demi.
Au Moyen Orient, en liaison plus ou moins étroite avec ce faisceau de grandes lignes, il faut mentionner un certain nombre d’activités locales qui témoignent, par leurs capitaux et leur matériel, de la prépondérance européenne, et surtout britannique, dans ces régions. En Égypte, les MISR Airworks exploitent des lignes reliant le Caire aux villes des pays du Levant. En Palestine, les PALESTINE Airways exploitent la ligne Loudd (aérodrome commun à Jérusalem, Jaffa et Tel-Aviv) – Haïfa.
En Asie, l’aviation commerciale chinoise est en pleine désorganisation. Les efforts européens ou américains fort contrecarrés par l’influence japonaise.
Liaisons Europe-Afrique et lignes africaines. – Le plan britannique de substitution de l’hydravion à l’avion est complètement réalisé sur la ligne de l’Afrique du Sud. D’Alexandrie, l’hydravion remonte le Nil jusqu’au lac Victoria, rejoint la côte orientale à Mombasa et la suit jusqu’à Durban.
L’organisation française Air-AFRIQUE étend son action sur toute la ligne impériale Alger-Gao-Niamey. La ligne postale et marchande d’hydravions amphibies (AÉROMARITIME) Dakar-Cotonou est poussée jusqu’à Pointe-Noire et s’ouvre aux passagers.
De son côté, la DEUTSCHE LUFTHANSA poursuit des essais méthodiques par hydravions sur la route Atlantique. Des navires à catapultes assument le lancement des hydravions lourdement chargés de carburant, évitant ainsi les risques de décollage par gros temps.
La catastrophe du Hindenburg a suspendu toute activité transatlantique par dirigeables.
Le souci majeur des dirigeants de l’aviation aux Ëtats-Unis reste de battre le chemin de fer de vitesse, de confort, de sécurité et de bon marché. La fréquence atteindra trente services par jour dans chaque sens sur New York – Chicago, onze sur San Francisco – Los Angeles. La plupart des compagnies ont traité avec RAILWAYS EXPRESS AGENCY pour l’enlèvement et la livraison à domicile du fret aérien.
La Hollande a soudé ses services des Antilles où la jonction s’établit avec les PAN AMERICAN AIRWAYS et avec le réseau vénézuélien puis en liaison avec le réseau colombien.
Les PAN AMERICAN GRACE airways relient le canal de Panama à la Floride par Barranquilla et la Jamaïque. L’isthme de Panama est franchi quatre fois par jour dans chaque sens en 25 m.
Liaisons transpacifiques. – De la grande ligne San Francisco – Hong Kong, se détache, à Honolulu, une ligne nouvelle qui atteint la Nouvelle Zélande à Auckland en s’appuyant sur de minuscules îlots coralliens : Kingman Reef et Tutuila, dans les Samoa.
René CROZET, Annales de géographie : L’évolution du réseau aérien en 1937
Rédaction : Gérard Finan – Aériastory / Anciens Aérodromes – Fonds René Crozet