Pour cette période, les faits les plus marquants dans le domaine des transports aériens sont caractérisés par:
– la fusion des entreprises françaises en un organisme unique dénommé Air FRANCE,
-l’accélération de la vitesse des avions,
-la multiplication des services non subventionnés, en marge des organismes d’État.
La création d’Air-France est l’aboutissement d’une gestion commencée en Angleterre, en Allemagne, en Pologne, tendant à nationaliser les transports aériens et à éviter l’éparpillement des subventions. Une Politique de rationalisation qui tend rendre l’État, maître absolu des transports aériens.
Grâce aux nouvelles techniques, les avions deviennent plus rapides. Une tendance qui est venue d’Amérique et d’élever la vitesse commerciale pour atteindre 300 km/h., sur des avions gros porteurs affectés aux transports mixtes de voyageurs, de fret et de courrier.
En Europe, la multiplication de services aériens a toutefois amorcé une évolution contraire à celle qui a conduit à la concentration du type IMPERIAL Airways, DEUTSCHE.-LUFTHANSA et Air-FRANCE. Toutefois, ces lignes ainsi créées ne desservent essentiellement que des itinéraires courts. Elles sont saisonnières et utilisent un matériel restreint.
Aux grandes lignes du réseau international viennent s’y ajouter des services touristiques, balnéaires, et autres, à l’initiative d’entreprises privées, de grands organismes nationaux ou même à de compagnies ferroviaires, comme ce fut les cas :
Pour la ligne anglaise créée par le GREAT WESTERN RAILWAY, reliant Birmingham-Cardiff (centres d’affaires) à Teignmouth et Torquay (plages de la Manche) et à Plymouth (port transatlantique)…
En France sur la ligne : Londres-Paris-Vichy (Air EXPRESS en collaboration avec Hillman’s Airways) ; Paris-Biarritz (SOCIÉTÉ DES TRANSPORTS AÉRIENS FRANÇAIS); Paris-Berck et Paris-Deauville (Air-SERVICE, lignes réservées aux journaux)…
En Hollande : Amsterdam-Rotterdam-Knokke-Ie-Zoute, en Italie : Gènes-San Remo; Rome-Aquila-Pescara ; Milan-Rimini.
Ces lignes périodiques prouvent que l’aviation commerciale peut trouver, sans subventions d’État, une clientèle fortunée. De nouvelles liaisons sur des distances plus considérables voient le jour : Prague Bucarest (Lignes d’État tchécoslovaques) ; Rome-Brindisi-Rhodes ou Venise-Brindisi-Rhodes (Societa Aeria Mediterranea) ; Berlin-Sofia-Athènes (Deutsche-Lufthansa) en correspondance avec les lignes des Indes et d’Afrique Australe.
En été, le balisage des routes aériennes permet l’exploitation nocturne de Paris-Marseille, Berlin-Londres, Paris-Cologne-Berlin, ParisCologne-Pays scandinaves et baltes, Cologne-Munich, Berlin-Munich. Toutefois, l’interruption des services aériens de nuit reste une cause d’infériorité majeure vis-à-vis du train ou du bateau. Par contre, en Allemagne, en situation inverse, les trains de nuit peu fréquentés sur certains itinéraires, sont remplacés par des services aériens nocturnes, réservés aux marchandises et à la poste.
L’Espagne, de par sa position géographique excentrée en Europe, semble en vouloir profiter pour amorcer, grâce à ses annexes insulaires, des liaisons transméditerranéennes ou transatlantiques : Barcelone-Palma de Majorque; Séville-Las Palmas (Canaries).
Les liaisons Europe-Asie et lignes asiatiques évoluent.
– Extension de la ligne anglaise des Indes de Karachi à Calcutta et des villes indiennes,
– détournement de la ligne hollandaise Amsterdam-Batavia par Singapour,
– Création, sous l’influence japonaise, d’un réseau mandchourien
– Extension du réseau russe de Sibérie Orientale de Vladivostok à Khabarovsk
Liaisons Europe-Afrique et lignes africaines.
– De nouveaux embranchements viennent se greffer sur la grande ligne Londres – Le Cap et les villes d’Afrique du Sud,
– Des avions militaires français assurent des services postaux sur l’Afrique du Nord et des liaisons transsahariennes, préludes à la création d’une ligne France-Congo-Madagascar. La ligne italienne Tripoli-Benghasi est prolongée jusqu’à Tobruk…
Liaisons Europe-Amérique et lignes américaines.
Les dessertes sur les itinéraires transatlantiques ont peu varié.
La ligne française Dakar-Amérique du Sud (ancienne AÉROPOSTALE) continue à faire usage d’avisos rapides. Le Graf-Zeppelin a fait de nouvelles séries de voyages. Des essais allemands de traversée régulière à l’aide d’hydravions faisant relâche près d’un cargo-relais comme le Westphalen, mouillé à mi-chemin des côtes d’Afrique et des côtes américaines et pourvu d’engins de levage et de catapultes. Aucun service régulier n’est signalé sur l’Atlantique Nord.
Aux États-Unis, L’évolution est rapide et se dirige vers la grande vitesse et l’accroissement des fréquences des services. Les compagnies déficitaires sont absorbées par des compagnies plus puissantes et la création de nouvelles lignes : la Nouvelle – Orléans – Houston – San Antonio – Laredo (Wedell Williams Air Service) ; Miami-iles Bimini (INTER ISLAND AIR FERRIES).
Sous l’influence des tendances étatistes, l’aviation commerciale devient, de plus en plus, une affaire d’État. Cela se traduit par l’absorption constante des entreprises isolées par des organismes plus ou moins étatisés. Du côté français, il faut signaler la substitution de la régie AIR-AFRIQUE à l’entreprise privée dite Lignes aériennes nord-africaines. Du côté allemand, la LUFTHANSA absorbe la DEUTSCHE VERKEHRSFLUG ; la compagnie germano-soviétique DERULUFT (Berlin-Moscou) disparaît, remplacée par un accord direct entre la Lufthansa et la Direction de l’aviation civile russe. Seule la ZEPPELIN Luft Reederei subsiste, pour les transports par dirigeable.
Le régime anglais semble plus libéral. Cependant, les grandes liaisons impériales restent le monopole des IMPERIAL AIRWAYS auxquelles est réservée, dans un avenir prochain, la totalité du trafic postal avec les colonies et les dominions.
En suivant un exemple déjà expérimenté ailleurs, Air France a adopté, en accord avec les grands réseaux, le billet air/fer qui offre, aux voyageurs, des combinaisons souples telles que billets conjoints. Aux États-Unis, un accord analogue a été établi pour les messageries entre vingt-quatre compagnies aériennes et les chemins de fer.
Quand à la politique française relative au réseau intérieur, il a marqué un certain flottement au travers de modifications ou de suppressions de certaines escales.
Dans le domaine des liaisons internationales, les événements d’Espagne, tout en provoquant une grande activité aéronautique, ont déterminé l’arrêt des services commerciaux réguliers Paris-Bordeaux-Madrid.
Du côté britannique, la politique du réseau intérieur semble plus consistante. Il faut signaler la création des RAILWAY Air SERVICES constitués par une entente entre les Imperial Airways et les quatre grandes compagnies ferroviaires
1933 voit l’apparition d’une compagnie irlandaise (AER LINGUS TEORANTA) assurant la liaison Dublin-Bristol et la création d’un service à grande fréquence à travers le canal de Bristol,Cardiff-Weston, du genre des air-ferries américains de la baie de San Francisco (WESTERN Airways). L’ouverture de l’aéroport modèle de Gatwick au Sud de Londres, destiné à décongestionner Croydon, accuse un réel souci de differencier le grand réseau international et impérial du réseau intérieur. Les liaisons avec le continent, voit une augmentation de fréquence sur Paris-Londres, grâce aux services multipliés par les Imperia! Airways, British Airways et Air-France.
Les lignes vers le Levant constituent un nouveau centre attractif, mais l’intérêt majeur reste concentré sur la route des Indes.
Dans la section qui lui est commune avec celle de l’Afrique du Sud, les IMPERIAL A1RWAYS mettent en service de grands hydravions qui permettent un vol de Southampton à Alexandrie avec des escales éventuelles à Mâcon sur la Saône, et à Marignane sur l’étang de Berre.
A Karachi, l’aviation commerciale hindoue greffe sur la ligne des Indes des services vers le bassin de l’Indus et sur la ligne de la côte occidentale. Les services français qui desservent Hanoï sont prolongés à Changhaï au travers d’un accord avec la CHINA NATIONAL CORPORATION. De même, un service postal anglais met Hong Kong à dix jours de Londres. Par ailleurs, le réseau mandchourien relevant de l’influence japonaise se prolonge.
En Australie, les lignes se multiplient autour du continent Oceanien. L’emploi d’un nouveau matériel permet l’aller et retour en un jour de Sydney à Adelaide (1375km), et d’Adelaïde à Perth (2698 kms).
Liaisons Europe-Afrique et lignes africaines. – L’intérêt des services déjà anciens qui relient Paris au Sénégal et à Tananarive Dakar se trouvent accru du fait de l’admission de passagers en 1936. Sur la ligne anglaise de l’Afrique australe, les IMPERIAL AIRWAYS fixent leur terminus à Durban, abandonnant aux South African Airways l’exploitation du tronçon Johannesbourg-le Cap. Au Soudan, de Khartoum, une transversale postale se détache à l’Ouest jusqu’au Nigéria. La conquête de l’Abyssinie a été suivie de l’établissement d’une ligne Rome –Addis-Abeba et de l’ébauche d’un réseau intérieur dont le caractère politique est évident.
Quand aux liaisons Europe-Amérique et lignes américaines, pas de changement notable dans l’organisation générale des traversées aériennes de l’Atlantique Sud. Mais c’est sur l’Atlantique Nord, c’est le dirigeable qui a marqué les premiers résultats positifs.
Le zeppelin Hindenbourg a effectué, en effet, de mai à octobre, dix liaisons transatlantiques; le trajet d’aller, de Friedrichshafen ou Francfort à New York durait de 60 à 80 heures suivant l’allure et l’intensité des vents ; certains voyages de retour ont été couverts en 45 heures, le dirigeable transportant de 40 à 50 passagers et près de 2 t. de poste et de colis. En même temps la Lufthansa a fait exécuter plusieurs traversées par hydravions catapultés par le navire spécial le « Schwabenland », de Sydney (Nouvelle-Écosse) aux Açores et à Lisbonne ou des Açores aux Bermudes.
Aux États-Unis, les faits les plus frappants résultent de l’augmentation de la vitesse (New York – San Francisco en 15 heures) et de l’activité de l’aviation nocturne grâce à une infrastructure méthodiquement organisée.
L’emploi d’avions au Pérou pour le transport de matériel minier entre Cuzco et Huancabamba situées respectivement à 3 300 et à 4 100 m. d’altitude, est toujours d’actualité.
Sur les liaisons Amérique- Extrême-Orient, La ligne transpacifique San Francisco-Manille a été ouverte au transport des passagers en octobre 1936. Elle est prolongée jusqu’à Hong Kong que desservent, par ailleurs, les services anglais greffés à Penang sur la ligne des Indes.
René CROZET, Annales de géographie : L’évolution du réseau aérien en 1933
Rédaction : Gérard Finan – Aériastory / Anciens Aérodromes – Fonds René Crozet